Mieux vaut tard que jamais, serait-on tenté de dire à propos de l’adresse à la nation du Président de la République, le 14 juin 2020 sur l’ORTM. En effet, suite à la grande mobilisation politico-religieuse du 5 juin dernier qui, au demeurant, a ébranlé la République du sommet à la base, le peuple avait espéré que le Chef de l’Etat allait se faire le devoir de s’adresser à la nation dans les 72 heures qui ont suivi. Eh bien, c’est seulement près d’une dizaine de jours plus tard que le Président de la République a daigné s’adresser à la nation. Compte tenu de la gravité de la situation que traverse le pays et qui a motivé cette mobilisation, c’est à juste raison donc qu’une part importante de l’opinion nationale a qualifié ‘’d’indifférence’’, cette attitude du Chef de l’Etat.
Quoi qu’il en soit, le Président de la République s’est adressé à la nation en évoquant certains points saillants de la crise et en annonçant sa volonté de prendre en compte les différentes préoccupations du peuple. Dans le cadre de cette prise en compte des préoccupations et actualité obligeant, le Président de la République a plutôt joué à l’ouverture face à la contestation menée par le Mouvement du 05 juin dont certains acteurs réclament sa démission. On se souvient qu’après un temps de mutisme suite à la grande manifestation dont il fut le parrain, l’imam Mahmoud DICKO avait déclaré le mercredi 10 juin sur les ondes de Rfi : « Je ne suis pas quelqu’un qui casse son pays ou qui met le feu à son pays. Non ! Ce qui casse un pays c’est surtout l’injustice. Je veux que le président écoute son peuple. Il reste encore le président. Je le redis encore qu’il doit écouter le peuple. Tout le monde est opposé ! Des problèmes communautaires, des problèmes dans l’armée, même entre les religieux… Des problèmes entre tout le monde… Il y a un malaise dans le pays, il y a une mauvaise gouvernance. Il y a une corruption à ciel ouvert. Je le dis et je le redis ! ».
Alors comme répondre au parrain de ce mouvement de contestation du 05 juin, le Président IBK, dans son adresse à la nation le 14 juin 2020 dira : « J’ai suivi avec attention les récents évènements qui se sont déroulés dans notre pays. J’ai entendu les colères et les cris. J’ai entendu les revendications et les interpellations… Mon rôle est de savoir prévenir les schémas de confrontations violentes qui ne feront le bonheur de personne. C’est pourquoi j’invite au dialogue. A cet effet, je salue, les membres du Cadre d’Action, de Médiation et de Veille que j’ai rencontrés cet après-midi. Leur engagement patriotique les honore. Mais nous aimons tous ce pays, quelles que soient nos sensibilités. Et je me réjouis de la perspective de rencontrer bientôt les acteurs du Mouvement du 05 juin… ».
Si de par ces propos, le Chef de l’Etat semble bien s’accommoder avec la réclamation du parrain du mouvement du 05 juin, en ce qui concerne sa rencontre avec les acteurs dudit mouvement, il y a cependant à être appréhensif quant à l’issue que pourrait avoir cette prochaine rencontre que d’aucuns, dans le sérail du pouvoir d’Etat, annoncent la tenue pour aujourd’hui même, mardi 16 juin 2020.
Cette appréhension se justifie dans la mesure où le Chef de l’Etat pourrait ne pas être sur la même longueur d’onde que ses interlocuteurs de circonstance.
En effet il est de notoriété publique que dans ces principales revendications, le mouvement du 05 juin, à défaut d’obtenir la démission du Président de la République, réclame la dissolution pure et simple de l’Assemblée Nationale et de la Cour Constitutionnelle. IBK accepterait-il de faire droit à ces revendications ? Pas si sûr dans la mesure où dans son adresse à la nation, il a reconnu ceci : « Les dernières élections législatives ont fait l’objet de graves contestations dans certaines parties de notre pays. Il nous faut tirer toutes les leçons de ces crispations. Nous recherchons une solution idoine et urgente afin de répondre aux frustrations exprimées… ». Mais le Chef de l’Etat tient malgré tout à ce que« les Maliens gardent foi en leurs institutions. Cela est l’un des garants d’une bonne gouvernance ».
Optant pour une telle posture, il ne se fait l’objet d’aucun doute que le Président IBK tenterait de se porter défenseur des deux institutions vouées aux gémonies par le peuple.
Les acteurs du mouvement du 05 juin qui ont accepté de mettre un bémol à leur exigence de la démission du Président de la République pour se contenter de demander la dissolution de ces deux institutions, accepteraient-ils de s’accommoder avec cette exhortation du Chef de l’Etat qui voudrait que « les Maliens gardent confiance à leurs institutions… » ? Les prochains jours nous édifieront.
El Hadj Mamadou GABA
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