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CE QU’EN PENSE DR BRAHIMA FOMBA, UNIVERSITAIRE, ENSEIGNANT A L’USJP: LE GOUVERNEMENT S’EST COUCHE !

La République constitutionnellement indivisible du Mali avec le morceau de région autonome de l’Azawad qu’elle traîne, n’arrête décidément pas, dans les faits, sa marche forcée vers l’éclatement. Le nouveau coup d’accélérateur de ce mouvement vient du gouvernement via le ministre Boubacar Alpha BAH de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. Actuellement celui-ci est en train de gamberger, comme un complot contre la République, des législatives spéciales pour la CMA. Sa lettre n°001100/MATD-SG en date du 9 avril 2020 qui invite à la réunion du 10 avril 2020 en est une preuve irréfutable. L’objet est le même que celui de cette correspondance complotiste adressée au Président de la CMA :

« Examen du projet de décision portant création des commissions de mise en place des autorités intérimaires et de préparation de l’élection des députés à l’Assemblée nationale au niveau des régions de Taoudénit et Ménaka et des cercles de Almoustrat et Achibogho ».

Le ridicule dans cette histoire rocambolesque ne tient pas qu’au fait qu’elle porte sur les fameuses « autorités intérimaires » que ce gouvernement déculotté s’ingénue à perpétuer au mépris de l’esprit et même de la lettre de l’Accord séparatiste d’Alger. Il tient surtout à ce que c’est un ministre de la République qui accepte ainsi se poudrer dans une besogne tant antirépublicaine.

Aux yeux d’IBK et de ses ministres, la Constitution du Mali et les lois de la République ne seraient-elles que des chiffes à papier ? Leur valeur juridique ne vaudrait-elle pas un seul gramme ? Un seul liard ? C’est le ministre Boubacar Alpha BAH qui se trouve fortement interpellé aujourd’hui dans cette question et dans tant d’autres que sa correspondance soulève. Comme si le ministre avait promis d’organiser des élections spéciales aux rebelles de la CMA pour acheter leur implication aux législatives en cours… De quel deal anti républicain le ministre aurait-il convenu avec la CMA au point d’organiser un scrutin qui ne repose sur aucun fondement juridique ? Pourquoi le gouvernement s’était-il tu sur les multiples mises en garde quant à la nécessité d’actualiser, en amont, les circonscriptions administratives ?

Aujourd’hui, il ne peut reprocher qu’à lui-même : il est victime de ses propres turpitudes. Le principe constitutionnel d’égalité du suffrage est remis en cause. Il faut ne pas oublier que l’entêtement du gouvernement a été que les législatives en cours se tiennent sur la base des circonscriptions électorales de cercles et de communes du District de Bamako telles que prévues par la loi n°02-010 du 05 mars 2002 portant loi organique sur les députés.

Conformément aux termes de cette loi, 147 députés sont à élire dans les 55 circonscriptions réparties sur l’ensemble du territoire national. Et les circonscriptions sont reparties entre les cercles et les communes du District. Par conséquent, le gouvernement a mis au frigo les nouvelles circonscriptions administratives de cercles, exclues du processus.

De ce fait, il n’a pas été tenu compte de la loi n°2012-018 du 02 mars 2012 et des nouveaux cercles que cette loi a créés dans les régions de Tombouctou, Taoudénit, Gao, Menaka et Kidal : cercles de Achibogho dans la Région de Kidal ; Almoustrat dans la région de Gao ; Taoudénit, Foum-Elba, Achouratt, Al-Ourche, Araouane et Boû-Djébéha dans la région de Taoudénit ; Anderamboukane, Inékar et Tidermène dans la Région de Ménaka.

Pareil pour tous les cercles érigés en régions, puis recomposés avec de nouveaux cercles. C’est ainsi que l’article 1er du Décret n°2020-010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral dispose :

« Le collège électoral est convoqué le dimanche 29 mars 2020, sur toute l’étendue du territoire national, à l’effet de procéder à l’élection des députés à l’Assemblée nationale ».

Si le collège électoral a été convoqué sur tout le pays, aucune localité n’a été physiquement exclue. Autrement dit, l’ensemble du corps électoral a été convoqué aux législatives, non considéré leur positionnement administratif sur le territoire national. Dans tous les cercles de l’ensemble des régions du Nord et du reste du pays, tout le corps électoral avait été convoqué. Il est censé avoir déjà voté lors du premier tour du 29 mars 2020 et s’apprête à le refaire lors du second tour. Dans ces conditions, il ne saurait y avoir une quelconque nouvelle élection de députés à l’Assemblée nationale au niveau de ces nouveaux cercles. D’ailleurs, d’ores et déjà, l’on a remporté des sièges lors du premier tour dans ces anciens cercles du Nord. Il en est ainsi au niveau du corps électoral des quatre (4) cercles de Kidal (Abeibara, Kidal, Tessalit, Tin-Essako), des cercles de Menaka et de Bourem dans la région de Gao. Se peut-il que ce même corps électoral vote à nouveau sans porter atteinte au principe constitutionnel d’égalité du suffrage ? Se peut-il que ce vote se tienne au mépris de la Constitution, au mépris de la loi électorale, au mépris de son alinéa 2, article 2 : « le suffrage est universel, égal et secret », au mépris de l’article 27 de la Constitution qui dit : « le suffrage est universel, égal et secret… » ?

Le ministre Boubacar Alpha BAH devra au peuple malien de sérieuses explications pour justifier une telle imposture. Le principe constitutionnel de l’égalité devant le suffrage induit nécessairement que la voix de chaque électeur pèse le même poids comme résumé par l’adage : « one man, one vote », en français, « un homme, une voix ».  Chaque suffrage doit avoir un poids égal à celui de tous les autres.

La mascarade électorale en préparation au ministère de l’Administration territoriale est un mépris inqualifiable de ce principe constitutionnel dans la mesure où elle revient à faire voter deux fois le même corps électoral pour le même renouvellement général de l’Assemblée nationale. Tout se passera comme si le corps électoral qui a voté lors du premier tour et qui va voter de nouveau au second tour sera exactement le même qui va de nouveau voter dans les nouveaux cercles.

Le même corps électoral votera deux fois. Alors, les électeurs ciblés par le double vote sont-ils supérieurs au reste de la population électorale nationale ? Sinon, aucune nouvelle élection n’est possible ni dans les régions de Taoudénit et Ménaka, ni dans les cercles de Almoustrat et Achibogho, encore moins nulle part au Mali.

Excepté les élections partielles, aucune élection n’est possible jusqu’au prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale. Sur la question, le droit électoral malien ne se prête à aucune acrobatie juridique. Le Mali boucle actuellement le renouvellement général de l’Assemblée nationale sur la base de 147 sièges. Ce choix a été dicté, non pas par un quelconque DNI, mais par le gouvernement. Ainsi, il lui appartient désormais de s’assumer pleinement et de ne prétendre sous aucun prétexte, en avoir ignoré toute la portée juridique. Ce qui implique que la nouvelle législature à venir ne pourrait aucunement intégrer les nouveaux cercles dont le gouvernement a préalablement fait le choix d’exclure des circonscriptions électorales. Ils doivent nécessairement attendre le prochain renouvellement pour ensuite prétendre rejoindre le lot des circonscriptions électorales, après avoir relu la loi organique sur les députés.

La condition sine qua non de toute nouvelle élection de député demeure la dissolution de la future législature en vue ou l’expiration de son mandat constitutionnel normal prévu pour 2025.

En attendant ce renouvellement, seules les élections législatives partielles sont licites. Or celles que le ministre Boubacar Alpha BAH voudrait concocter en catimini avec la CMA sont tout à fait autre chose de totalement illégale n’ayant absolument rien à voir avec des élections partielles. Une élection partielle est un scrutin spécial qui ne concerne qu’une ou quelques circonscriptions électorales. Elle est pour l’essentiel régie par la loi n°02-010 du 05 mars 2002 portant loi organique sur les députés et la loi n°97-010 du 11 février 1997 modifiée relative à la Cour constitutionnelle. Il résulte de la lecture de ces deux textes lorsqu’on constate des vacances de sièges entre deux législatures. Les textes précisent toutefois que les vacances ne peuvent déboucher sur des élections partielles lorsqu’elles interviennent dans les douze derniers mois précédant le renouvellement général de l’Assemblée Nationale. Les cas de vacances peuvent survenir à la suite d’annulation contentieuse de l’élection, de démission pour convenance personnel de député, de décès ou d’empêchement définitif d’un député, de déchéance du député dont l’inéligibilité se révèle après la proclamation des résultats, de démission d’office de député qui, se trouvant dans un cas d’incompatibilité, n’aurait pas opté dans un délai d’un mois après une mise en demeure restée sans suite.

De toute évidence, le ministre de l’Administration territoriale doit être renvoyé à la Constitution et à ces textes de loi. Cela l’empêcherait de tremper dans des tripatouillages juridiquement indécents que, de toute façon, le peuple malien rejettera énergiquement.

Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJP)

(Les Titres et intertitres sont de la Rédaction)

LAYA DIARRA

By |2020-04-15T07:07:12+02:00avril 15th, 2020|ÉDUCATION, POLITIQUE, SÉCURITÉ|0 Comments

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