Ce serait une lapalissade que dire de nos jours, la bande sahélo-saharienne est pratiquement devenue un sanctuaire pour des groupes terroristes et autres trafiquants de tout acabit. Nombreuses sont les options qui ont été envisagées, par la communauté internationale et aussi par les pays se partageant cet espace géographique, pour tenter d’endiguer le fléau du terrorisme. On avait privilégié l’option militaire en pensant qu’avec elle seule, on pouvant venir à bout de la nébuleuse terroriste dans le Sahel. Mais cette option ayant montré ses faiblesses, on avait alors estimé qu’en y associant l’option du développement socio-économique des localités affectées par le terrorisme, le problème pouvait être grandement résolu. Mais hélas ! Malgré tout le mal persiste.
Cet échec a inspiré les spécialistes de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel à opter pour une nouvelle approche qui mettrait à contribution la société civile et par ricochet les populations locales. C’est ainsi que, face au drame du terrorisme dans l’espace du Sahel, la société civile a décidé de se faire entendre en apportant sa contribution à la lutte contre le terrorisme et le banditisme transfrontalier dans les pays du Sahel. De ce fait, plusieurs représentants de la société civile ouest-africaine ambitionnent de se donner la main en mettant en place une ‘’Coalition Citoyenne’’ pour que les problèmes des populations civiles soient pris en compte par ceux qui, au niveau national et international, mènent la lutte contre le terrorisme.
De l’avis de ses initiateurs, cette nouvelle approche, ‘’Coalition Citoyenne pour le Sahel’’, viendrait plutôt en additif à celles qui existent déjà. Et de ce fait, il serait absolument nécessaire qu’un changement s’opère dans la politique générale de lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Normalement la mise en application de cette nouvelle approche ne devrait pas poser de problème majeur dans la mesure où elle fait suite à une initiative prise par les pays du G5 Sahel et la France lors du sommet des chefs d’État à Pau (France) en janvier 2020.
On se souvient qu’effectivement, lors du sommet de Pau, il avait été souhaité et même recommandé par la France, et cautionné par les pays du G5-Sahel, qu’il faille absolument mener une politique de prise en compte de la société civile afin d’établir un climat de confiance entre les populations locales et les forces armées en présence sur le terrain dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Au regard des tenants et des aboutissants de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, on serait tenté de dire, bien que la mise en orbite de la ‘’Coalition Citoyenne pour le Sahel’’soit une initiative salvatrice, il n’en demeure pas moins qu’elle pourrait être sujette à des écueils de taille. En effet, ce serait tout simplement un leurre que de penser qu’il serait aisé d’établir un climat de confiance entre les populations locales et les forces armées nationales commises à la lutte contre le terrorisme dans les pays du Sahel. Ce déficit de confiance trouve son fondement dans le fait des exactions militaires dont sont régulièrement victimes les populations locales de la part des forces armées nationales.
Outre ce grand déficit de confiance qui pourrait entraver les actions de la Coalition Citoyenne pour le Sahel, le problème de financement des activités de cette nouvelle coalition pourrait aussi se poser avec acuité. Déjà les initiateurs de cette option de lutte contre le terrorisme se plaignent du fait que pour répondre aux attentes, 2 millions d’euros avaient été promis par la communauté internationale mais jusque-là les promesses de financement tardent à se concrétiser. C’est à juste raison que le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Ismaël Ould Cheikh Ahmed, par ailleurs président du Conseil des ministres du G5 Sahel, a déploré sur les ondes de Rfi :« … La mobilisation des fonds pour le financement du programme d’investissements prioritaires, si essentiel pour nos populations et pour la lutte contre le terrorisme, n’est pas encore au niveau des attentes…Nous faisons face, au Sahel, à tous les chocs en même temps. Choc sécuritaire avec le terrorisme, choc sanitaire avec le Covid-19, choc climatique avec le déficit pluviométrique, choc économique avec la fonte des prix de nos produits d’exportation et la crise économique générée par le Covid-19… L’Afrique et le Sahel en particulier ont besoin de liquidités nouvelles pour faire redémarrer une économie largement affectée. Le Sahel a plus que jamais besoin d’une annulation pure et simple de sa dette».
Un autre écueil auquel pourrait être confrontée la ‘’Coalition Citoyenne’’ aura trait à la volonté politique, tant du côté de la France que de celui des pays du G5-Sahel. Nous savons que dans les pays du Sahel, notamment dans les zones en proie au terrorisme, les besoins sont tellement énormes qu’on frôlerait une situation de détresse. Et les causes d’une telle situation sont plus structurelles que sécuritaires. Il faut une vraie volonté politique pour pallier à une telle situation de détresse et pour cela il conviendrait de travailler avec l’ensemble des acteurs afin de remettre la protection des civils au centre des stratégies de réponse. Toute chose qui amènera notre compatriote Drissa TRAORE, le coordinateur national du projet conjoint Association malienne des droits de l’homme (AMDH) et Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), à déclarer : « Nous attendons de la communauté internationale qu’elle aille au-delà des simples déclarations. Ce ne sont pas les solutions qui manquent, mais pour les mettre en œuvre, il faut une véritable volonté politique. La “Coalition citoyenne” que nous appelons de nos vœux pourrait utilement contribuer à convaincre les gouvernements de mettre la protection des civils et la sécurité humaine au cœur de la réponse ».
El Hadj Mamadou GABA
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