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LES AUTORITÉS MALIENNES DÉMENTENT AVOIR SIGNÉ UN ACCORD POUR TESTER LE VACCIN ANTI COVID-19
La pandémie du coronavirus fait des ravages dans le monde entier, des chercheurs de plusieurs pays s’apprêtent à le faire, des essais cliniques de grande ampleur afin de déterminer si la vaccination par le BCG est efficace contre le Covid-19. Lors d’une séquence diffusée le 1er avril sur la chaîne française LCI, un médecin, chef de service à l’hôpital Cochin à Paris, et un chercheur de l’Inserm, l’Institut français de la recherche médicale, évoquaient l’idée de tester un vaccin contre le coronavirus en Afrique. Leurs propos ont provoqué la colère et l’indignation de nombreux internautes. La gloire ivoirienne du football, Didier Drogba, a vivement réagi sur les réseaux sociaux à cette séquence de la chaîne française LCI.
Au cours de cette séquence, Jean-Paul Mira, docteur à l’hôpital Cochin, à Paris, s’adresse au professeur Camille Locht de l’Inserm : « Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique où il n’y a pas de masque, pas de traitement, pas de réanimation… un peu comme cela s’est fait pour certaines études avec le sida où, chez les prostituées, on essaie des choses parce que l’on sait qu’elles sont hautement exposées et parce qu’elles ne se protègent pas ».
Le professeur Locht répond alors : « Vous avez raison, on est en train de réfléchir en parallèle à une étude en Afrique pour faire ce type d’approche ».
Pour l’ex-international ivoirien « Il est inconcevable que nous continuions à accepter ceci. L’Afrique n’est pas un laboratoire. Je dénonce vivement ces propos graves, racistes et méprisants!», s’est insurgé l’ancien attaquant de Chelsea et de Marseille sur sa page Facebook, postant par la même occasion une photo des deux protagonistes. « Aidez-nous à sauver des vies en Afrique et stopper la propagation du virus qui déstabilise le monde entier au lieu de nous envisager comme des cobayes. C’est aberrant », a ajouté Didier Drogba dans sa publication.
L’Afrique est encore relativement peu touchée par la pandémie avec plus de 7000 cas et près de 300 décès officiellement déclarés, selon un dernier bilan, mais de nombreux observateurs et acteurs craignent des effets dévastateurs de l’éventuelle propagation du virus sur son territoire. Sans calmer les mécontents. « Ce n’est pas de la provocation, c’est tout simplement du racisme. L’Afrique n’est pas le laboratoire de l’Europe. Les Africains ne sont pas des rats ! », a réagi le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.
Dans un communiqué rédigé jeudi soir, SOS Racisme s’est indigné des « propos tenus par deux médecins hier sur LCI qui tombent d’accord à l’antenne sur le projet d’utiliser les Africains comme cobayes pour tester des vaccins contre le virus Covid-19 ». L’association a saisi le CSA, et contacté l’Inserm et l’hôpital Cochin. Elle dénonce une « provocation toute coloniale », « dans ce bref moment où les préventions sont tombées, n’est-ce pas que les corps noirs (et pauvres) sont des terrains d’expérimentation pour sauver des corps blancs (et riches) ? »
Des excuses et des tentatives d’explication.
Le médecin et le chercheur présentent leurs excuses. Après avoir déclenché la polémique, ils tentent de l’éteindre. Ce vendredi 3 avril, l’Inserm a déclaré que le chercheur Camille Locht, interrogé deux jours plus tôt sur la chaîne française, présentait ses excuses. Ce dernier souligne qu’il n’a tenu aucun propos raciste, que les conditions de l’interview ne lui ont pas permis de réagir correctement. Son intention était, dit-il « tous les pays devront pouvoir bénéficier des fruits de la recherche ».
Dans un communiqué du 5 avril 2020, le gouvernement malien a fait savoir que sa position sur la question n’est pas monnayable, contrairement “aux fausses rumeurs répandu sur les réseaux sociaux”. Une riposte à peine voilée pour le Mali, qui a été un des premiers pays à être indexé par les observateurs internationaux comme incapable de faire face à la pandémie, ne disposant pas de matériel sanitaire adapté pour endiguer la propagation du virus. Par ailleurs, des études épidémiologiques ont montré de façon intéressante une corrélation entre taux de vaccination au BCG et taux de morbidité et de mortalité face au Covid-19. Si la majorité de ces études vont dans le même sens, elles ne permettent pas de conclure une relation de causalité car elles restent soumises à d’importants biais, en particulier sur la différence de niveau de vie et de politique de santé entre les pays à fort et à faible taux de vaccination.
Cependant, le BCG a démontré auparavant chez les enfants un effet protecteur non spécifique contre les infections, en particulier respiratoires. Les vaccins vivants comme le BCG, le vaccin contre la rougeole ou encore le vaccin oral contre la polio auraient ainsi des effets bénéfiques non spécifiques sur certaines infections. Le BCG pourrait permettre de diminuer l’importance de l’infection au virus SARS-CoV-2 en stimulant la mémoire de l’immunité innée, première immunité à entrer en jeu face à une infection, et en induisant par ce fait une « immunité innée entraînée ».
Les enfants vaccinés par le BCG souffrent moins d’autres maladies respiratoires, on l’utilise pour traiter certains cancers de la vessie et il pourrait protéger contre l’asthme et des maladies auto-immunes comme le diabète de type 1. L’hypothèse est que le vaccin contre la tuberculose pourrait avoir un effet similaire contre le coronavirus, soit en diminuant le risque d’être infecté, soit en limitant la gravité des symptômes.
Les chercheurs restent toutefois prudents avant d’affirmer que le BCG a un effet bouclier contre le coronavirus.
ALY COULIBALY
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