- ATTENTION AU SYNDROME DE 1991
Au regard des péripéties de la crise sociopolitique que traverse le Mali depuis plus de quatre semaines, il est vraiment regrettable de constater que la situation s’enlise davantage et cela malgré les interventions tous azimuts en vue de trouver une issue favorable à ladite crise. Qu’est-ce qui a donc pu conduire à cet enlisement ?
En réponse, nous pointerons du doigt l’échec des échanges entre le Président la République et le Mouvement M5-RFP ce 5 juillet 2020. Il y a vraiment lieu de craindre à ce que les répercussions de cet échec ne servent de terreau fertile à une instabilité politique qui pourrait conduire au syndrome de la révolution de 1991 sous nos cieux. Le plus aberrant dans la recherche de solutions à cette crise sociopolitique est que les propositions faites par la CEDEAO et soutenues par l’Union africaine, l’Union Européenne, les Nations Unies et même par la France, n’aient pas été prises en compte par le pouvoir d’Etat, notamment par le Président de la République. En plus, la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase est le fait que le Président de la République ait renvoyé le M5-RFP à la majorité présidentielle, pour discuter avec elle des suites à donner au mémorandum du mouvement contestataire. Les dirigeants du M5-RFP ont trouvé en cette attitude du Chef de l’Etat, un mépris pur et simple. Cela se comprend bien dans la mesure où il est de notoriété publique que non seulement ce courant politique, la majorité présidentielle, n’est non seulement détentrice d’aucune autorité publique mais aussi elle ne jouit pas d’assez de considération auprès du Président IBK.
En tout cas, au sortir de leur rencontre avec le Président, les dirigeants du M5-RFP ont vu s’exacerber davantage le ressentiment qu’ils éprouvaient pour le régime en place. Le moins que l’on puisse dire est que l’échec des échanges entre le Président IBK et le M5-RFP consolide encore plus les rangs du mouvement. Or, on le sait, il avait commencé à se fissurer du fait qu’une partie de ses dirigeants refusait d’engager des discussions avec le Président IBK, tant que celui-ci n’accepte pas les dispositions contenues dans leur mémorandum. Si à un moment donné, les contestataires avaient mis un bémol à leurs revendications en acceptant d’abandonner l’exigence de la démission du Président de la République, il faut cependant dire qu’avec l’échec des pourparlers, le 5 juillet, le M5-RFP pourrait retrouver la cohésion en son sein et à cet effet, de façon unanime, revenir à sa position de départ qu’est l’exigence de la démission pure et simple d’IBK.
Là où le bât pourrait blesser le plus, dans un tel cas de figure, est que finalement il ne se trouvera plus personne, ni à l’interne ni à l’extérieur, pour soutenir une quelconque négociation pour sortir de la crise. Ceci obligera le Mali à prendre son destin en main, dans un contexte de cristallisation des positions, de part et d’autre, avec pour corollaire inéluctablement, un déficit de confiance entre les différents protagonistes. En pareille circonstance, chaque camp s’évertuera à rassembler le maximum de soutiens au sein de l’opinion nationale en vue d’une démonstration de force. Et Dieu sait que dans le contexte actuel, si les rapports de force ne devraient tenir qu’aux seules capacités de mobilisation des foules, nul ne ferait le poids devant le M5-RFP qui peut se targuer du soutien de l’Imam Mahmoud DICKO, dont la très grande popularité ne souffre d’aucun conteste.
Eu égard aux péripéties de la crise sociopolitique actuelle, il y a lieu de redouter que l’on n’en arrive à des extrêmes. Cette crainte est d’autant légitime quand on sait qu’en cas de démonstration de force, le M5-RFP misera sur sa capacité de mobilisation en envoyant dans les rues une foule innombrable de citoyens. Et pour contrer ce mouvement de foule, le pouvoir d’Etat pourrait tenter de déployer les forces de sécurité en guise d’épouvantail dissuasif. Dans un tel scénario, un affrontement pourrait vite arriver avec des conséquences dramatiques et un ‘’troisième larron’’ pourrait toujours être aux aguets, prompt à intervenir pour arrêter la saignée et rétablir l’ordre. La suite serait un scénario classique connu…. C’est le pays qui s’en sortirait très affaibli. Avec la crise multidimensionnelle que le sort lui impose depuis huit ans maintenant, le Mali n’a vraiment plus de force nécessaire pour essuyer une autre crise sociopolitique qui ne ferait qu’en rajouter aux souffrances du peuple.
Il serait alors plus que nécessaire, de la part du Président IBK, de faire des concessions de taille à même de calmer les ardeurs des contestataires. Le M5-RFP, de son côté, doit savoir raison garder en ramenant à la baisse la barre de ses exigences.
El Hadj Mamadou GABA
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