Au regard des péripéties de la crise sociopolitique que nous vivons en ce moment-ci, le moins que l’on puisse dire est que la Cour constitutionnelle dont les rênes étaient tenues par Manassa DANIOKO a plongé le Mali dans une espèce de labyrinthe dont le probable issu nous conduit inéluctablement à un dilemme institutionnel. Signalons pour rappel que, depuis la proclamation des résultats définitifs des législatives de 2020, des mouvements de contestations des résultats en question se sont signalés en plusieurs endroits du pays, notamment à Bamako, Kati, Ségou, Koro, Mopti, Sikasso et Bougouni.
Le leitmotiv commun à tous ces mouvements était la réclamation de la démission de la Cour constitutionnelle que l’on accuse de tripatouillage des résultats issus des urnes. Aussi, certaines composantes du M5-RFP ont fait de cette réclamation leur cheval de bataille. Toute chose qui a permis d’accentuer la pression, non seulement sur les membres de cette institution judiciaire mais aussi sur le Président de la République. C’est ainsi que ce dernier, après moult tergiversations et autres tentatives de résistance, a finalement consenti ou plutôt a été contraint d’annoncer l’abrogation du décret de nomination des membres de la Cour constitutionnelle. En quelque sorte, une dissolution implicite de cette institution judiciaire. A bien étudier les éventuels tenants et aboutissants de l’abrogation du décret en question, on serait porté à se demander si cela pourrait constituer, en soi, une solution au dilemme institutionnel auquel le Mali se trouve confronté depuis le tripatouillage des résultats des dernières législatives, par la Cour constitutionnelle. Cela n’est pas du tout évident étant donné qu’il ne se fait pas de doute que des écueils de taille subsisteront toujours au plan juridique, pour pouvoir vider complètement le contentieux issu des dernières élections législatives. En effet, en voulant faire droit à la proposition faite par la mission de la CEDEAO et qui suggère la reprise des élections dans les circonscriptions où les résultats définitifs proclamés par la Cour constitutionnelle font l’objet de contestations, on se rendrait compte que cela serait plutôt anticonstitutionnel.
En effet, la Constitution de la République ne prévoit la tenue d’élections législatives partielles qu’en cas de vacance de siège au sein de l’Assemblée nationale (article 63 alinéa 2).
Dans ce cas, la nouvelle Cour parviendra-t-elle à s’offrir les moyens juridiques nécessaires pour autoriser la tenue d’élections législatives partielles ? En tout cas, elle risquerait de ramer à contrecourant d’une des dispositions constitutionnelles de la République. Autrement dit, elle risquerait d’être contrainte à poser un acte anticonstitutionnel. Toute chose qui est à l’antipode de sa mission. Ce qui serait encore plus embarrassant pour cette Cour reconstituée est que, même au cas où elle parvenait à s’offrir les moyens légaux pour autoriser la tenue d’élections législatives partielles, il va absolument falloir qu’elle trouve, en prélude, des armes juridiques nécessaires pour faire annuler, ne serait-ce que partiellement, les résultats définitifs proclamés par la Cour sortante. A vrai dire, tout acte conduisant à cette annulation, qu’elle soit partielle ou totale, serait anticonstitutionnelle dans la mesure où la Loi Fondamentale du pays dispose en son article 94 que :
« les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales ».
Il ne se fait l’ombre d’aucun doute que les députés dits ‘’mal élus’’ et parmi lesquels Moussa TIMBINE, actuel président de l’Assemblée nationale, se prévaudront de ces dispositions constitutionnelles pour s’opposer à toute annulation du vote dans leurs circonscriptions d’élection. Ce qui conduirait inéluctablement à un bras de fer judiciaire dont nul ne saurait prédire l’issue. Vu sous un autre angle, d’aucuns préconisent la reprise pure et simple des législatives sur toute l’étendue du territoire national. Si la nouvelle Cour reconstituée optait pour une telle alternative en annulant tous les résultats issus des dernières élections législatives, là aussi, elle spolierait près de 80% des députés élus sans contestation de leurs droits de siéger à l’Assemblée nationale. Au regard de tous ces écueils possibles, il est évident qu’un dilemme institutionnel se posera car, nous nous retrouverons dans l’obligation de choisir entre deux alternatives comportant toutes deux des inconvénients. Mais comme le dit l’adage « entre deux maux, il faut choisir le moindre », on ose espérer que le Président IBK sera assez bien inspiré pour choisir le moindre, entre ces ‘’deux maux’’.
El Hadj Mamadou GABA
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