Officiellement créé le 16 février 2014, le G5-Sahel est censé être une organisation sous régionale devant œuvrer à la promotion d’une politique commune de développement et de sécurisation des quatre Etats se partageant la zone du Sahel central plus le Tchad. C’est dans ce cadre que, pour mieux prendre en compte le volet spécifique de la sécurisation et de la défense des personnes et de leurs biens dans cet espace sahélien, fut mise sur orbite en juillet 2017 la Force Conjointe du G5-Sahel (FCG5-Sahel). Mais malheureusement, au regard des tenants et des aboutissants de sa pleine fonctionnalité, on serait porté à déplorer le fait que trois (3) ans après sa création, cette force conjointe commise à la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, peine toujours à trouver ses marques. Pour raisons de la léthargie dans la pleine opérationnalité de cette institution sous régionale, nombreux sont les analystes et autres spécialistes de l’antiterrorisme dans l’espace du Sahel qui pointent du doigt la lenteur des pays donateurs à délier les cordons de la bourse.
Mais à bien y disserter, on se rendrait compte qu’hormis le problème de financement, cette force antiterroriste est aussi en butte à des difficultés internes qui la mettent, à coup sûr, dans une zone de turbulence. C’est surtout suite à l’attentat qu’elle a essuyé le vendredi 29 juin 2018 à Sévaré que bon nombre d’observateurs se sont rendus à l’évidence que le fonctionnement de la Force Conjointe du G5-Sahel, n’était pas aussi rassurant qu’on l’aurait souhaité.
Lors de sa rencontre avec les chefs d’Etat des pays du G5-Sahel, en marge du 31ème Sommet de l’UA à Nouakchott, la capitale mauritanienne, le président MACRON n’avait pas fait ombrage des soucis qu’il se faisait à propos du manque de confiance qui s’était longtemps installé entre les cinq Chefs d’Etats du G5.
Il est indéniable que dans toute alliance, le manque de confiance entre alliés est un terreau très fertile à la discorde.
En tout cas, maints spécialistes de l’antiterrorisme, proches du dossier de la Force Conjointe du G5-Sahel, déplorent le fait que la Mauritanie et le Tchad dont les armées sont aguerries se permettent souvent de reprocher au Mali, au Niger et au Burkina Faso d’avoir des armées beaucoup moins performantes. Dans la perception de la hiérarchie militaire en Mauritanie et au Tchad, il n’est pas facile de combattre ensemble dans ces conditions-là.
Le plus aberrant est que même au niveau des Chefs d’Etat, ce n’est pas tout à fait l’optimisme, si l’on sait que cette force sous régionale est appelée à se substituer à la Force antiterroriste française ‘’Barkhane’’ et cela, peut-être avant le mois de mai 2022, fin du premier quinquennat d’Emmanuel MACRON. Toutes les stratégies mises en œuvre par la France dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel rendent la FCG5-Sahel fortement dépendante de l’opération Barkhane. Et pourtant, à bien cerner les choses, on concéderait volontiers qu’il est plus qu’indispensable que la Force Conjointe du G5-Sahel s’émancipe davantage afin de pouvoir voler de ses propres ailes et étendre son rayon d’action au-delà de la seule zone du Sahel central. Ce serait un leurre que de penser que les méfaits du terrorisme dans le Sahel ne seront circonscrits que dans le seul espace sahélo-saharien.
D’ailleurs le Président malien, Ibrahim Boubacar KEITA, n’avait-il pas prévenu que « le Mali est une digue. Si elle rompt, l’Europe sera submergée » ?
Tant que les chefs d’Etat et de gouvernement ouest-africains et la communauté internationale, avec la France en tête, doivent être conscients de la véracité de cette réflexion du Président malien et cela devrait les amener à mieux penser les éventuelles actions qui s’imposent dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. Mais malheureusement, à bien disserter sur les tenants et les aboutissants de cette lutte, telle qu’elle s’effectue dans le Sahel, on pourrait se faire à l’idée que la communauté internationale est en train de mener un jeu de dupe avec les pays sahéliens. Sinon comment comprendre que depuis plus de six ans qu’elle dure, la lutte contre le terrorisme dans le Sahel n’ait pu donner aucun résultat probant.
En tout cas au train où vont les choses, on risque vraiment de s’enliser dans cette guerre, si ce n’est déjà le cas. Comme le dit un adage de chez nous « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ». il est plus qu’impérieux alors que les pays de la zone du Sahel et, par extension, tous ceux de l’Afrique de l’Ouest s’approprient cette lutte contre le terrorisme dans le Sahel. La principale structure sous régionale qui pourrait se prêter le mieux pour cette appropriation est, en toute évidence, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En effet, en sa qualité d’organisation intergouvernementale, le leadership de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel lui siérait mieux, plutôt qu’à la France ou à l’Europe.
D’ailleurs les chefs d’Etat et de gouvernement de cette organisation sous régionale semblent se rendre à cette évidence si on s’en tient à leurs déclarations et autres prises de position.
On se souvient qu’à l’issue de son sommet extraordinaire, tenu à Ouagadougou le 14 septembre 2019, la CEDEAO avait décidé de se doter d’un plan d’action quinquennal (2020-2024) afin d’améliorer la lutte contre le terrorisme. L’organisation sous régionale avait annoncé sa volonté de prendre en main le dossier de la lutte antiterroriste dans le Sahel. Les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, se rendant à l’évidence que le principal écueil qui empêche la Force Conjointe du G5-Sahel à s’affirmer sur le terrain étant le volet financier des opérations, ont décidé de s’affranchir des promesses de financement des bailleurs de fonds, pour ne voler que de leurs propres ailes. Ainsi, sous la rubrique du financement de la force sous régionale attendue, la moitié du financement nécessaire, soit 500 millions de dollars, sera décaissée par l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et le reste sera à la charge des Etats membres de la CEDEAO avec un élargissement au Tchad et à la Mauritanie qui sont deux pays non membres de cette organisation sous régionale. Quoi qu’il en soit, la profonde conviction des pays concernés par la lutte contre le terrorisme dans le Sahel est qu’il leur faut impérativement prendre leur destin en main en s’affranchissant de la tutelle des forces étrangères dans cette guerre qui est la leur et rien que la leur.
El Hadj Mamadou GABA
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