Le jeudi 11 juin dernier, le Premier ministre Boubou CISSE remettait au Président de la République, sa démission et celle du gouvernement dont il tenait les rênes. Sans grande surprise, il fut reconduit à son poste avec pour mission de former une nouvelle équipe gouvernementale.
Comme à l’accoutumée en pareille circonstance, les tractations et autres négociations vont bon train. Mais compte tenu de la situation particulière, sur fond de crise sociopolitique que traverse le pays en ce moment, on devrait peut-être s’attendre à ce que la formation de ce nouvel attelage prenne un peu plus de temps que d’habitude. D’ailleurs cela est d’autant normal dans la mesure où, dans son adresse à la nation du 14 juin 2020, le Président de la République a annoncé : « Une nouvelle équipe gouvernementale sera bientôt composée selon les critères de taille et de qualifications telles recommandées par le Dialogue National Inclusif tenu en Décembre dernier. Cette équipe sera mise au service du Mali et n’aura aucun droit à l’erreur. Elle ne saurait être un simple changement de gouvernement. Elle sera un gouvernement de changement, exclusivement porté sur des résultats définis au préalable et mesurables. La nouvelle équipe gouvernementale s’attaquera, entre autres, sous le leadership du Premier ministre, à la mise en œuvre urgente des résultats du Dialogue National Inclusif qui a mis en avant toutes les priorités du peuple malien. Celles-ci sont d’ordre sécuritaire, social, politique et de gouvernance ».
C’est dire donc que, pour la formation de cette nouvelle équipe, que d’aucuns ont convenu d’appeler ‘’Gouvernement Boubou CISSE II’’, le Premier ministre aurait besoin d’user de beaucoup de tact pour non seulement rester conforme aux instructions du Président de la République, mais aussi pour que le nouvel attelage gouvernemental fédère le plus large consensus. Il faut évidemment s’attendre à ce que la formation de cette nouvelle équipe soit laborieuse pour le Chef de l’Exécutif National compte tenu non seulement des différentes sensibilités politiques mais aussi de la complexité des défis à relever. Mais ce qui pourrait constituer un hic dans la formation de cette nouvelle équipe est que la Coordination des Mouvements de l’Azawad et consort, qui sont pourtant des acteurs de premier plan dans le processus de mise en œuvre de l’Accord d’Alger, pourraient rester sur le carreau. Cela ne tiendrait pas du fait que ces composantes de la société malienne ont été ignorées dans la formation du nouveau gouvernement, mais plutôt aux réticences manifestées par les dirigeants desdits groupes ex-rebelles quant à leur participation au gouvernement.
En effet, dans sa quête d’un caractère inclusif pour le futur gouvernement, le Pm Boubou CISSE aurait fait parvenir à la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), une correspondance lui demandant de proposer ses éléments susceptibles d’entrer au gouvernement.
Au la lecture de ladite correspondance, les dirigeants ex-rebelles touareg seraient restés indifférents. Ils auraient adopté une posture circonspecte. Pour raison de cette circonspection, à en croire des sources proches de la CMA, les ex-rebelles touareg mettent en exergue les mouvements de contestation et autres manifestations populaires auxquelles le pouvoir d’Etat est confronté en ce moment-ci et qui mettent à mal les institutions de la République. Pour les dirigeants ex-rebelles touareg, le jeu ne vaut pas chandelle surtout que nous nous trouvons à un moment où le président de la République, lui-même, est la cible d’une redoutable bourrasque au relent insurrectionnel. Autre fait qui accentue cette circonspection de la Coordination est que ses dirigeants redoutent que la cohésion au sein du groupe ne soit ébranlée quand il s’agira de désigner des représentants pour participer au gouvernement.
A tout cela, il faut ajouter le fait que, présentement, certaines questions cruciales opposent la CMA au pouvoir central de Bamako, notamment les malentendus consécutifs au refus de la CMA d’accueillir les contingents des Forces Armées Reconstituées à Kidal.
Par son entrée au gouvernement, la CMA se mettrait, de facto, en posture de cautionner l’exécution du programme gouvernemental dans son fief.
Compte tenu de tous ces paramètres qui ne plaident pas en faveur de leur adhésion à la nouvelle équipe gouvernementale, les dirigeants ex-rebelles tentent d’user de subterfuges pour se dédouaner néanmoins. Comme à leur habitude, ils font de la surenchère. C’est ce qui les a motivés à conditionner l’entrée de leurs représentants au gouvernement, à l’octroi d’au moins trois portefeuilles régaliens, alors qu’ils savent pertinemment que cela est inacceptable.
El Hadj Mamadou GABA
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