Suite à la mort d’un jeune de 18 ans survenue à la suite d’une bavure policière à Kayes, des manifestations ont agité la ville. Les populations en colère ont attaqué certains édifices de la cité dont la préfecture. La foule a incendié la foule. Après l’incendie, le bilan est désastreux. Une mémoire historique du cercle qui datait de plus d’un siècle et des documents administratifs ont été détruits par les manifestants.
Dans la soirée du lundi 11 mai 2020, un policier avait fait usage de son arme pour tuer un jeune motocycliste ; une bavure policière qui a entraîné la révolte des jeunes de la ville de Kayes. Du lundi 11 au mercredi 13 mai 2020, les jeunes se sont mobilisés pour vandaliser des édifices publics, ériger des barricades sur les voies pour exprimer leur colère et demander que justice soit faite. Cette manifestation a fait trois morts.
Incendie d’un commissariat, destruction d’autres édifices publics, parmi lesquels figure l’incendie de la préfecture. C’est la voie choisie par les jeunes de Kayes pour manifester leur colère et demander l’application de la justice en faveur de leur camarade abattu. Difficile d’oublier ce terrible mercredi 13 mai 2020. Marie Rodet a passé deux années pour sauver des documents historiques stockés dans cette préfecture. Sur sa page Facebook, elle annonce la triste nouvelle :
« Je viens d’avoir la confirmation que les archives Cercle de Kayes avaient été brûlées, je suis dévastée. 120 ans de mémoire historique, 2 ans de travail pour les sauver, tout simplement partis en fumée ».
Marie RODET est historienne et réalisatrice française. Elle est maitre de conférences à SOAS (School of Oriental and AfricanStudies, Londres). Depuis 2014, elle est régulièrement Professeure invitée à l’IEP de Rennes où elle enseigne un cours sur les Diasporas africaines en Europe. En 2016 elle était Professeure invitée à Yale, aux USA. Ses recherches s’intéressent à l’histoire de l’esclavage, du genre et des migrations en Afrique de l’Ouest, et plus particulièrement au Mali. Son premier ouvrage est paru chez Karthala en 2009 et s’intitule « Les migrantes ignorées du Haut-Sénégal, 1900-1946 ».
Depuis plusieurs années, elle travaille à la sauvegarde du patrimoine matériel (archives) et immatériel (histoire orale) de la région de Kayes au Mali. De 2008 à 2010, elle a ainsi mis en place un projet de sauvetage des archives du cercle de Kayes financé par le SCAC –Ambassade France au Mali. Elle est actuellement responsable d’un projet similaire à Kita financé par la British Library. En 2014, elle a réalisé un documentaire sur l’histoire de l’esclavage dans la région de Kayes au Mali, documentaire intitulé : “Les Diambourou : Esclavage et émancipation à Kayes – Mali”. Elle travaille actuellement à son second ouvrage sur les résistances à l’esclavage à Kayes au Mali. Elle a déjà publié de nombreux articles sur la question. Pendant 02 ans, elle a essayé de sauvegarder tous les travaux effectués sur les archives historiques de Kayes, en quelques heures ce travail abattu est parti en feu par le fait de ces jeunes en colère. Une chose qu’il faut condamner. On peut réclamer juste sans toucher ni brûler des édifices de l’état. Ces édifices contiennent pour la plupart des documents très importants. Sachant également que nos mairies, nos sous-préfectures, nos préfectures et autres, ne sont pas informatisés. Ce sont les copies de nos extraits de naissances et plusieurs autres documents administratifs qui s’y trouvent.
Une forte délégation du conseil Régional de Kayes conduite par son premier vice-président Mamadou FOFANA accompagné par le 2ème vice-président du Directeur Régional de la police et du secrétaire général du conseil Régional de Kayes Boubacar N‘DIAYE a visité ce matin les locaux sinistrés du commissariat du 2ème arrondissement de la police. Sur place, le conseil Régional s’est engagé à tout mettre en œuvre pour le démarrage effectif du service du 2èmearrondissement dès ce lundi et engager dès la semaine prochaine un expert pour évaluer et entreprendre les travaux de restauration des bâtiments sinistrés.
Le conseil Régional se dit disposé à œuvrer pour le développement territorial de la région. Il invite la jeunesse à plus de civisme et de retenue.
En voulant faire du mal à l’Etat ou se faire justice, souvent c’est nous-mêmes qui faisons les frais. Il est temps de sensibiliser nos populations sur ce type de dérive afin d’éviter les attaques contre les édifices toutes les fois qu’on est fâché ou mécontent. Etre en colère ne nous donne pas le droit de casser ni brûler les édifices, nous mettons en mal le progrès du pays. Nous aspirons au développement ; nous accusons l’Etat de ne pas construire les infrastructures (routes, hôpitaux et autres). Mais, nous saccageons le peu qui existe. Que ce geste cesse. Soyons conscient de la gravité de nos actes. Changeons de comportement. Nous pouvons revendiquer, nous pouvons demander justice sans détruire, sans brûler.
ALY COULIBALY
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