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LES NOCES SACRÉES DU DOGON ET DU BOZO: QUAND LA POLITIQUE TIRE A BOULETS ROUGES SUR LA CULTURE

Dans leur rage de gravir les marches du podium, certains politiques n’hésitent pas à arroser d’huile et de sable, les marches de la culture. Mais de grâce, que personne ne profane la stèle qu’ensemble Dogons et Bozos ont érigée.

D’abord le Ghana. Le royaume est fondé vers 770 par les Soninkés, un peuple animiste qui vit à la lisière sud du Sahara. Les arabes entrent en contact avec lui vers 734. Vu sa richesse légendaire, ils le nomment « Pays de l’or ». Le Ghana est aussi appelé empire Wagadou (ville des troupeaux en soninké). Les rois, de la dynastie des CISSE TOUNKARA, se faisaient appeler « Kaya maghan » (roi de l’or, maître de l’or ou encore chef de guerre). L’or, les Arabes du Sahara et les rois portent l’empire à son apogée : X et XIème s.

Tout apogée a un hypogée. La complication des relations avec les Berbères sahariens, les assassinats à la tête de l’empire, le parjure d’Amadou, fiancé de Sia YATABERE, les supplices du serpent Biida et les imprécations du roi mourant, le sac de Koumbi, la prise de Wagadou par les Berbères et les Almoravides, le détournement du commerce, surtout de l’or, signent le déclin et le démembrement de l’empire. C’est la dispersion des Soninkés. Nous sommes au 13ème s. Personne n’est Dogon. Encore moins Bozo.

1241 : le Ghana privé de ses ressources est remplacé par le Mali. L’empire naît et émerge d’une période trouble où se relaient le Tékrour, le Sosso, les Songhays. Il est fondé par un peuple de pasteurs et de commerçants : les Malinkés. En mandingue Mali signifie : « là où habite le roi », ou « hippopotame » en référence à la noyade de son fondateur Soundiata KEITA. Les Malinkés, eux appellent leur pays « Manden ».

A ce stade, on est Dogon : « Ndɔgɔni (mon jeune frère) en Mandenkan. Mais en dɔgɔsɔ :« dɔgɔ niŋinɛ »,(celui qui évite l’opprobre) ou encore « Do goenɛ », (celui qui vient de Do). Ecoutons cette chanson dogon, chantée en l’honneur des jeunes circoncis.

Dɔgɔm yaba goiyɛn ? D’où viennent les Dogons ?
Mande goiyen Ils viennent du Mandé.
Made nɛgoa, Kani Bɔnsɔn na Du Mandé, ils sont allés à Kani Bonzon.
Dɔgɔm yaba goiyɛn ? D’où viennent les Dogons ?
Mande goiyɛn Ils viennent du Mandé.

 

La dynastie des KEITA qui y règne, choisit la mixité religieuse. Il y a l’animisme. Il y a l’islam. Les couches dirigeantes sont islamisées. Surtout pour faciliter le commerce avec le Maghreb et le Moyen-Orient. Comme moyen de contrôle social, l’on introduit la charia. Les tribunaux islamiques rendent la justice. Début XIVème s. Tout apogée a un hypogée. 1360 : le roi Mansa Souleyman meurt. Les querelles de succession dégénèrent en guerres civiles. L’islam sévit. Les impôts et la gabegie, surtout de Mansa Moussa[1]affaiblissent l’empire. Les voisins (Mossis, Touaregs, Peuls, Songhays) multiplient les attaques. Les guerres enrôlent, par la force, les jeunes par milliers. Le commerce vacille. Le Mansa contrôle de moins en moins les provinces. C’est la dispersion des Mandékas.

Les peuples migrent par vagues successives. Deux frères décident de cheminer ensemble. L’un est maître de l’eau. L’autre est seigneur de la terre ferme. Ensemble, ils franchissent les obstacles que leur oppose la migration. Un jour, le couple vient à manquer de provision. Pas un morceau à croquer. L’énergie baisse. Or, les horizons à parcourir sont encore lointains : Ségou, Djenné, Kani Bonzon en Pays dogon. Il faut marcher à travers les bois. Il faut traverser des bras du fleuve Djoliba. Le cadet a faim. C’est logique tout de même : il est le cadet, l’auriculaire des doigts. Etait-ce le Bozo ou le Dogon ? Qu’importe ! « Attends-moi ici, dit le plus âgé. Je reviendrai avec du gibier. »

Le pauvre court la savane. Il bat les bosquets. Il creuse les terriers. Il descend, des arbres nus, les nids d’oiseaux. Il scrute les cavernes. Il court les ravines, agite les buissons. Quelle vieille vache que cette savane du Mandé. Pas un lézard. Pas un moineau. Pas un levraut. Pas un ver des bois. La tête du jeune entend une voix, interne : « Je suis l’aîné. Je suis le plus grand. Je protège les petits ». Cette voix séditieuse et téméraire lui pianote le cœur : Je suis l’aîné. Je suis le plus grand. Je protège les petits.

Le voyageur, n’en pouvant plus, s’assoit sous un acacia géant. Le long regard circulaire qu’il allonge autour de lui l’affermit. Tout problème naît avec une solution. Il suffit d’écouter sa raison. Aussitôt, il ouvre sa besace et en tire un couteau, tranchant, rutilant. Puis tendant la jambe droite, se serrant les dents, il tailla du mollet un gros morceau qu’il jeta, sans le regarder, dans la gibecière. Puis il rejoint son frère qui, déjà, haletait de faim.

« Ah, oui ! La chasse a été fructueuse, frérot. Voici un morceau de lapin ». Très vite, les deux frères font du feu. Ils grillent le morceau. Ils le mangent avec délectation. Quand ils reprirent le chemin, le cadet aperçut un filet de sang descendre du mollet de son frère : « Eh, Frère ! Que t’est-il arrivé ? Tu saignes. » – « Rien ! dit l’autre. » Puisque le jeune insistait : « Vois-tu, mon garçon ! Notre brousse est pauvre. Aucun gibier n’y vit. Je t’ai nourri à ma chair. » Dès lors, le cadet et l’aîné se jurèrent de ne rien faire qui fâche l’autre. Pas de mensonge. Pas de tricherie. Pas de colère. Pas de sexe. Surtout, pas de sang. Tout cela corrompt. TIMBINE et TRETA, TIMBINE et NADIO ! TRETA, NADIO et TIMBINE ! Savez-vous que vous vous êtes nourris à la chair l’un de l’autre ?

[1]En 1324, le Mansa Moussa (1312-1337) effectue un pèlerinage très remarqué à la Mecque. Il emmène avec lui et dépense des milliers de tonnes d’or.

Naïré TIMBINE

By |2020-07-20T15:52:34+02:00juillet 17th, 2020|ANALYSE, CULTURE, LES INFOS DU SOIR DE BAMAKO|0 Comments

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