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UN VRAI SUJET D’INQUIETUDE POUR LA FC-G5
À l’issue des dispositions annoncées lors du sommet du G5-Sahel à Pau (France), les spécialistes de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel s’étaient convaincus que la montée en puissance de la Force Conjointe du G5-Sahel serait inexorable, dans la mesure où elle est appelée à coopérer très étroitement avec la force française Barkhane déployée dans le Sahel pour lutter contre les terroristes.
En effet ces temps-ci, il est aisé de constater que la lutte contre les terroristes dans la bande sahélo-saharienne est en passe de tourner à l’avantage de la coalition Barkhanre-FCG5. On se souvient que, du 3 au 23 mars dernier, la force Barkhane, conjointement avec les forces armées maliennes (FAMA) et nigériennes (FAN), a conduit l’opération «MONCLAR» dans la zone des trois frontières. Cet engagement, inédit par le volume des forces engagées, a permis d’obtenir des résultats très significatifs concrétisés par la neutralisation d’un grand nombre de terroristes et la destruction ou la saisie de nombreuses ressources militaires. Cette opération, dans laquelle Barkhane a engagé des moyens terrestres et aériens, s’intégrait dans une action plus vaste menée avec la force conjointe du G5-Sahel (FC-G5S) et les Forces Armées Nigériennes (FAN), permettant d’atteindre un niveau de coordination remarquable entre ces différents acteurs de la sécurisation au Sahel. Cette concentration des efforts sans précédent, impliquant près de 5.000 soldats, fait suite aux nombreuses opérations conduites depuis plusieurs mois au niveau des trois frontières et traduit directement la volonté de la force Barkhane, de la FC-G5 Sahel et des armées partenaires d’exercer une pression forte contre les groupes armés terroristes, notamment l’EIGS.
Ces opérations ont ainsi concrétisé les efforts de synchronisation des plans souhaités depuis le sommet de Pau, en France, permettant l’atteinte d’un niveau de coordination inédit entre les forces qui opèrent dans la zone. Cet engagement conjoint sans précédent illustre la montée en puissance des forces partenaires ces derniers mois. En tout cas, on ne peut que se réjouir du bilan des récentes opérations militaires menées contre les groupes djihadistes dans la mesure où en près de trois semaines d’opération, la force Barkhane et les forces maliennes et nigériennes qui travaillaient conjointement dans l’opération «MONCLAR » ont neutralisé un grand nombre de terroristes. Également, de très nombreuses ressources ont été saisies ou détruites, parmi lesquelles près de 80 motos, un pickup armé d’une mitrailleuse lourde, une très grande quantité d’armements, de munitions, de matériels nécessaires à la confection d’engins explosifs, et de matériels de guerre de tout genre.
S’il est tout à fait légitime de se réjouir des réalisations militaires réussies par la coalition, une inquiétude apparait cependant quant à la sauvegarde de l’homogénéité au sein cette coalition. En effet l’armée tchadienne, qui constitue l’ossature principale de la Force Conjointe du G5-Sahel, est appelée à se retirer de la lutte contre les terroristes sur tout autre front, excepté à l’intérieur des frontières du Tchad. Cette annonce a été faite le jeudi 9 avril 2020 par le Président tchadien Idriss Déby Itno en personne. « A compter d’aujourd’hui (Ndlr : jeudi 9 avril 2020), aucun soldat tchadien ne participera à une opération militaire en dehors du Tchad », a déclaré le Président tchadien sur les antennes de la télévision nationale tchadienne.
Le moins que l’on puisse dire est que cette annonce du Président tchadien constituerait un vrai sujet d’inquiétude pour la Force Conjointe du G5-Sahel. En vérité, cette inquiétude est d’autant légitime quand on sait que le contingent tchadien, de par son engagement sans faille dans la lutte contre le terrorisme, constitue un maillon essentiel de la force du G5-Sahel. Il est de notoriété publique que l’armée tchadienne qui est considérée comme l’une des plus efficaces et des plus performantes dans la région, intervient non seulement dans la zone du lac Tchad avec la Force multinationale mixte (FMM), avec trois autres pays riverains (Nigeria, Cameroun et Niger) pour lutter contre Boko Haram, mais aussi, joue un rôle crucial au sein de la FC du G5 déployée dans le Sahel contre les groupes djihadistes qui étendent leur hégémonie dans la bande sahélo-saharienne, notamment dans la zone dite des ‘’Trois frontières’’.
En plus, le contingent tchadien déployé dans le Sahel est un allié clé de l’opération française Barkhane. D’aucuns parmi les spécialistes de l’antiterrorisme dans le Sahel disent ne pas être trop surpris par l’annonce du retrait du contingent tchadien étant donné qu’il y a belle lurette, la Mauritanie et le Tchad dont les armées sont aguerries, se permettaient souvent de reprocher au Mali, au Niger et au Burkina Faso d’avoir des armées beaucoup moins performantes. Dans la perception de la hiérarchie militaire en Mauritanie et au Tchad, il n’est pas facile de combattre ensemble dans ces conditions-là. On se souvient que lors du 31ème Sommet de l’Union Africaine (UA) qui s’est tenu les 1er et 2 juillet 2018 à Nouakchott, la capitale mauritanienne, le Président français Emmanuel Macron avait déjà tiré sur la sonnette d’alarme en ce qui concerne le manque de confiance qui était perceptible entre les différents contingents des armées nationales qui constituent la Force Conjointe du G5-Sahel.
En tout cas, ce qui ne fait l’ombre d’aucun doute est que, si effectivement le retrait des troupes tchadiennes venait à se concrétiser, la Force Conjointe du G5-Sahel se trouverait alors amputée de sa principale composante et cela pourrait avoir un impact négatif sur cette structure sous régionale de défense et de sécurité.
El Hadj Mamadou GABA
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