On se souvient que le mardi 17 mars 2020, le Conseil Supérieur de la Défense Nationale (CSDN) s’était réuni en session extraordinaire et avait rendu public, à l’issue de cette rencontre, un communiqué imposant des mesures restrictives importantes qui sont entrées en vigueur depuis le jeudi 19 mars 2020. Si les mesures en questions sont censées s’appliquer à tous, il faut toutefois reconnaitre qu’une dérogation est faite pour les lieux de culte.
En effet, le communiqué du CSDN mentionne clairement qu’« en ce qui concerne les rassemblements à caractère religieux, le gouvernement engagera incessamment des consultations avec les responsables du Haut Conseil Islamique, de la Ligue des Imams, des Églises Catholiques et Protestantes ainsi qu’avec d’autres autorités religieuses et cultuelles du Mali afin de convenir des mesures appropriées pour assurer la santé des fidèles… ». On devrait vraiment se demander, en considérant les mesures imposées, pourquoi alors faire une dérogation pour les lieux de culte, à partir du moment où lesdits lieux sont aussi des espaces de rassemblement des fidèles, bien au-delà de 50 personnes. En vérité, nul n’est dupe que cette dérogation est spécifiquement destinée aux lieux de culte musulmans (les mosquées) et ce n’est que par simple formalité qu’on fait allusion aux églises catholiques et protestantes. Il faut tout simplement le dire, sans faux-fuyant, que le gouvernement rechigne à prendre la responsabilité d’annoncer la fermeture pure et simple des mosquées, par peur d’éveiller le courroux des leaders musulmans.
Alors, eu égard à la frilosité dont fait preuve le gouvernement face aux leaders religieux musulmans, il serait tout simplement suicidaire de sa part, de vouloir fermer les mosquées alors que les élections législatives sont maintenues, malgré les menaces de la pandémie du COVI-19. Dans le communiqué rendu public le 17 mars 2020, par le CSDN, il est fait mention de consultations que le gouvernement devrait engager avec les organisations religieuses afin de convenir des mesures appropriées pour la santé des fidèles. Mais depuis lors, y a-t-il eu de consultations dans ce sens ? Bien sûr que non et il est fort probable qu’il n’y en aura d’ailleurs pas.
Les mosquées continuent à rassembler les fidèles, quitte à faire fi des mesures édictées par le CSDN et nonobstant la propagation du virus sur notre territoire.
Puisque le gouvernement rechigne à faire sienne la décision de fermeture des mosquées bien qu’elle soit parfaitement justifiée, il incombe alors à la faîtière des musulmans du Mali, à savoir le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM), de prendre ses responsabilités en annonçant la fermeture des mosquées car la situation l’exige bien en ce moment. Et pourtant, à bien y disserter, les leaders religieux musulmans ne semblent nullement s’opposer à une telle mesure, même s’ils s’abstiennent de se prononcer publiquement sur le sujet.
Sous d’autres cieux où l’application des préceptes de l’islam est beaucoup plus rigoureuse que chez nous, on s’est vite accommodé de la fermeture des mosquées dans le souci d’une prévention contre l’expansion de la pandémie et aussi pour préserver la santé des populations
Ainsi, en Arabie Saoudite qui est la référence pour tout musulman, la décision de fermer les mosquées, y compris les lieux saints, avait été inspirée par le collège local des Ulémas. En Iran ce sont les Ayatollah qui ont décidé de la fermeture des lieux de culte. Et plus près de nous au Sénégal, c’est suite à un consensus que des chefs religieux musulmans ont jugé nécessaire d’empêcher les attroupements dans ces lieux. Dans le royaume chérifien, (au Maroc) c’est le commandeur des croyants, donc le Roi, qui s’est assumé, dans l’intérêt ultime des musulmans face à un péril dont les ravages sont connus. Même chez nous au Mali, les clergés catholiques et protestants n’ont nullement tergiversé pour suspendre les messes publiques et cela pour éviter les attroupements des fidèles chrétiens en cette période critique marquée par la pandémie du COVID-19.
Et pourtant, il est de notoriété publique que, dans le cadre de la prévention contre la pandémie, Chérif Ousmane Madane Haïdara, lui-même, a décidé de la fermeture de la mosquée dont il est l’imam. Outre cette mosquée, d’autres dignitaires religieux musulmans se sont accommodés de la fermeture de leurs lieux de culte, mais tout en se réservant d’appeler à la généralisation d’une telle mesure de prévention contre le mal. C’est à se demander alors, pourquoi le HCIM, en tant qu’organisation faîtière des musulmans du Mali, ne prendrait-il pas la décision d’étendre cette mesure à l’ensemble des mosquées de Bamako, étant donné que c’est la capitale elle-même qui se trouve être l’épicentre de la pandémie au Mali ? On a tout simplement l’impression que tant au niveau des pouvoirs publics maliens qu’à celui des dignitaires religieux musulmans, personne ne veut endosser la responsabilité d’annoncer la fermeture des mosquées, bien que les circonstances sanitaires l’exigent tant au Mali qu’au niveau international.
El Hadj Mamadou GABA
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