Eu égard aux péripéties de la crise socio-politique que le Mali traverse en ce moment, il y a vraiment à craindre que celle-ci ne conduise à une crise institutionnelle. Cette crainte est d’autant légitime quand on sait que les différents protagonistes s’évertuent, chacun selon ses moyens et ses forces, soit à atteindre des objectifs visés ou alors à défendre leurs positions afin d’éviter d’être des agneaux sacrificiels du malaise.
S’il est vrai que pour justifier le mouvement populaire qui est à la base de cette crise, les protestataires se sont fait fort de dénoncer la mauvaise gouvernance du pays, il n’en demeure pas moins vrai que ce sont surtout et essentiellement les résultats définitifs des dernières élections législatives tels que proclamés par la Cour Constitutionnelle qui ont été le détonateur. Toute chose qui a motivé certains, parmi les radicaux de la contestation, à exiger la démission du Président de la République tandis que d’autres réclament avec véhémence, la démission de la Cour Constitutionnelle. Celle-ci est l’institution judiciaire qui est à la base du tripatouillage des résultats des législatives de 2020. Les radicaux de la contestation ont exigé aussi la dissolution de l’Assemblée nationale.
On peut dire qu’en ce qui concerne la démission de la Cour Constitutionnelle, le problème est en passe de trouver une solution. Les membres de l’institution sont en train de démissionner en cascade. C’est donc au niveau de l’Assemblée nationale que des écueils peuvent subsister et cela pour diverses raisons. D’abord sur les 147 députés de la VIème législature, c’est plutôt l’élection de seulement une trentaine qui est contestée. Ce qui ne représente qu’environ 20% du total des élus. Faudrait-il spolier les 80%, élus sans contestation, de leurs droits en dissolvant l’Assemblée nationale ? Cela serait autant illogique qu’illégal.
Bien sûr qu’en voulant appliquer une telle mesure, à savoir la dissolution de l’Assemblée nationale, on provoquerait un tôlée général qui aboutirait à coup sûr à une crise institutionnelle.
D’autre part, les députés dont l’élection a fait l’objet de vives contestations et que d’aucuns appellent ‘’les députés de Manassa’’ se targuent, malgré tout, d’une légalité pleine et entière étant donné que c’est la Cour Constitutionnelle, dont les décisions ne sont susceptibles d’aucun recours, qui les a déclarés élus. De ce fait ils jouissent de la même légalité que les autres députés qui se disent élus sans contestation. Ce qui amènera Moussa TIMBINE, le Président de l’Assemblée nationale, à dire : « Il n’y a pas de députés bien ou mal élu. D’une manière ou d’une autre, il y a eu des contestations partout lors des deux tours des législatives. Un député est élu pour cinq ans et il n’y a élection partielle que lorsqu’il y a un cas de décès ou de démission ».
Signalons que Moussa TIMBINE, lui-même, fait partie des députés dont l’élection a été fortement contestée.
Et de ce fait, il n’est pas étonnant de le voir se dresser contre toute idée de dissolution de l’Assemblée nationale où, par ailleurs, il occupe le perchoir. Si la Constitution de la République du Mali, de par son article 42, octroie au Président de la République le pouvoir de prononcer la dissolution de l’Assemblée, il faut aussi dire qu’en vertu de ce même article, le Président de la République est tenu de consulter d’abord le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale avant de prononcer cette dissolution. Ce serait un truisme que dire, en vertu de cette disposition constitutionnelle, si le Président IBK est tenu de consulter Moussa TIMBINE avant de prononcer toute dissolution, il ne se fait l’ombre d’aucun doute que ce dernier opposerait une fin de non-recevoir. Quitte à défier le Chef de l’Etat, il est indéniable que l’Honorable TIMBINE bénéficiera du soutien de la majorité écrasante de ses collègues députés.
Qu’à cela ne tienne, Moussa TIMBINE réussira-t-il pour autant à sauver son trône à l’hémicycle ?
Rien n’est moins sûr dans la mesure où, en lieu et place de la dissolution de l’Assemblée nationale, nombreux sont les députés et autres acteurs politiques qui préconisent plutôt la reprise des élections dans les circonscriptions électorales où les résultats ont fait l’objet de contestations. Et la commune IV du district de Bamako où Moussa TIMBINE a été déclaré élu, fait partie du lot. Comme pour fustiger cette autre préconisation, l’Honorable TIMBINE, actuel président de l’Assemblée nationale, soutient que « ceux qui demandent d’organiser des élections partielles dans les circonscriptions où il y a eu des contestations électorales veulent mettre des députés dos à dos… ». C’est tout simplement signifier que le député déclaré élu en commune IV de Bamako, par Manassa et les siens, ne partage pas l’idée de la tenue d’élections partielles. Tout fait qui l’amène à ramer à contrecourant de la majorité écrasante des députés avec pour conséquence évidente, un malaise nettement perceptible à l’hémicycle ces temps-ci.
El Hadj Mamadou GABA
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