De sa nomination au poste de Premier ministre, le 30 décembre 2017, à sa démission dudit poste, le 18 avril 2019, Soumeylou Boubèye Maïga a réussi deux prouesses majeures. D’abord, il a réussi avec beaucoup de tact à relever le défi de la tenue de l’élection présidentielle de juillet-août 2018 sur toute l’étendue du territoire national.
Ensuite, contre vents et marées, il a aussi réussi à faire réélire le Président IBK pour un second mandat. Eh bien, en réussissant ces deux prouesses, il est automatiquement devenu, d’un côté, l’homme à abattre pour le courant de l’opposition politique qui, jusque-là n’arrive pas à s’accommoder de la réélection d’IBK, mais de l’autre côté, celui de la très grande majorité des maliens, Soumeylou est plutôt perçu comme le héros national sur lequel il faut compter pour sortir le pays de l’ornière. En tout cas depuis que la page de l’élection présidentielle est définitivement tournée, la famille politique du Premier ministre, à savoir l’ASMA-CFP, semble devenir tel un pôle d’attraction pour les animateurs de notre arène politique. Si bien qu’il fut un moment où il ne se passait pas de semaine sans que des élus de tous bords démissionnent de leurs partis d’appartenance pour rejoindre les rangs de l’ASMA-CFP qui ne faisait d’ailleurs que s’en réjouir dans la mesure où cela lui permettait de ratisser large.
Une telle attitude de la part de nos acteurs politiques ne surprend guère dans la mesure où nul n’ignore que la ‘’ transhumance politique’’ est le sport favori de nos hommes politiques. Si sous d’autres cieux, des garde-fous sont posés pour dissuader d’éventuels amateurs de la transhumance politique, il faut dire que chez nous, elle se pratique en toute liberté et elle a vraiment pignon sur rue dans notre arène politique.
Toute chose qui prouve à souhait, si besoin est, que dans notre pays, la constitution des partis n’obéit à aucune doctrine politique, idéologique ou philosophique et y adhère librement qui veut, sans exigence d’une quelconque conviction doctrinaire. Du temps où il rayonnait de toute sa splendeur sur le microcosme politique malien, le président de l’ASMA-CFP n’a pas voulu bouder le plaisir que lui procuraient les ralliements massifs à sa famille politique. Et surtout qu’à l’époque, la tenue des législatives défrayait la chronique. On se souvient qu’au début de la Vème législature en 2013, l’ASMA-CFP occupait la 8ème place en ex aequo avec le PARENA et le MPR, avec trois (3) députés chacun à l’Assemblée Nationale. Mais au cours de cette même législature, si les mutations au sein de l’hémicycle ont été très préjudiciables pour certaines formations politiques, au contraire elles ont été très bénéfiques pour la famille politique de Soumeylou, le Chef de l’Exécutif d’alors.
Ainsi, de trois députés au début de la législature, l’ASMA s’est retrouvée avec près d’une vingtaine de députés à l’Assemblée Nationale, avant que n’intervienne sa démission forcée le 18 avril 2019. Ce qui a fait de l’ASMA-CFP, la 3ème force au niveau de l’hémicycle. C’est un secret de polichinelle que dire, dans notre arène politique, ce sont surtout le parti présidentiel (RPM) et son principal allié au sein de la majorité présidentielle, à savoir l’ADEMA-PASJ, qui ont les plus pâti de l’ascension fulgurante de l’ASMA-CFP.
Mais comme pour faire contre mauvaise fortune bon cœur, ces différentes formations politiques ont accepté d’adhérer à la même coalition politique que l’ASMA, à savoir la plateforme ‘’Ensemble Pour le Mali’’ (EPM). Mais là où le bât devient blessant pour l’ex-Premier ministre, est que les législatives annoncées pour mars-avril 2020 pourrait constituer un retour de manivelle foudroyant pour l’ASMA de Soumeylou. Nous savons que sous nos cieux, à l’occasion de toutes les consultations électorales de proximité, telles les législatives, des alliances se forment à tout bout de champ quitte à former des alliances contre nature. Mais paradoxalement, pour les législatives annoncées pour le 29 mars prochain, la quasi-totalité des formations politiques semble faire de l’alliance avec l’ASMA-CFP, un totem. En effet, alors qu’il ne reste que quelques jours (le 13 février 2020) pour clôturer le processus de dépôt des candidatures, le parti de Soumeylou peine encore à trouver des alliés. Les plus grandes formations politiques de la majorité, que sont essentiellement le RPM et l’ADEMA-PASJ, rechignent à aller sur la même liste que l’ASMA. Est-ce par instinct de vengeance ou plutôt une simple précaution pour avoir été victime de ‘’transhumance politique’’ auparavant ? Un acteur de renom dans le microcosme politique malien justifie cette attitude par le fait qu’ « On ne peut pas débaucher les cadres et les députés d’un parti politique et être sur la même liste que celui-ci. C’est comme si vous donniez raison à ceux qui sont partis».
Il faut aussi dire que ce n’est pas la première fois que le torchon brûle entre le RPM et l’ASMA-CFP. On se souvient que lors des élections législatives de 2013, le RPM ne s’était pas du tout embarrassé de poser des ‘’tacles irréguliers’’ à l’ASMA dans certaines circonscriptions électorales.
A l’époque le parti de Soumeylou n’avait le rayonnement suffisant pour se venger de cette offense que le parti présidentiel lui a faite. La vengeance étant un plat qui se mange froid, Soumeylou Boubèye et ses camarades de parti ont ruminé longtemps l’envie de vengeance et l’occasion leur a été offerte avec l’accession de Soumeylou à la ‘’Primature’’ et ils n’y sont pas allés de mains mortes. Ils ont tout simplement ratissé large au point de surclasser bon nombre d’adversaires politiques. Mais avec les législatives qui sont annoncées pour mars-avril 2020, la famille politique de l’ex-Premier ministre pourrait être dans le creux de la vague.
El Hadj Mamadou GABA
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