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LES FAMA ACCUSEES D’EXECUTIONS EXTRA JUDICIAIRES ET D’ACTES DE TORTURE
Le Mouvement Amnesty International a publié hier 08 avril 2020 son rapport 2019 dans lequel il a révélé des cas de violations des droits de l’homme à travers le monde. Et, le Mali n’a pas fait exception en la règle. Comme dans plusieurs pays africains, notamment qui traverse de crise sécuritaire ou conflits communautaires, les autorités maliennes et les forces armées maliennes (FAMa) sont pointées du doigt par ledit mouvement international dans son rapport.
Selon le présent rapport d’Amnesty International, la situation sur le plan de la sécurité s’est fortement dégradée dans le centre du pays, notamment en raison de violences intercommunautaires. Les groupes armés et les forces de sécurité ont continué de commettre des atteintes aux droits humains. L’impunité persistait pour les crimes les plus graves. L’insécurité s’est traduite par de très fortes entraves au droit à l’éducation. L’interdiction des rassemblements pacifiques a été maintenue dans le centre-ville de Bamako, a-t-il signalé.
En décembre, l’expert indépendant des Nations Unies sur la question des droits de l’homme au Mali a déclaré : « La situation sécuritaire au Mali a maintenant atteint un niveau critique, avec une présence limitée des institutions de l’État dans certaines régions, des violences sur fond de tensions communautaires et des attaques terroristes de plus en plus meurtrières contre les forces de sécurité, ainsi que les civils. »
Exactions perpétrées par des groupes armes
Le rapport a indiqué que les groupes armés ont continué de s’en prendre à la population civile et, selon les statistiques de l’ONU, au moins 450 civils ont été tués en 2019, dont plus de 150 enfants durant les six premiers mois de l’année. Toujours d’après cette institution, au cours de ce premier semestre, au moins 250 personnes civiles ont ainsi perdu la vie dans la région de Mopti. Entre le 1er octobre et le 30 décembre, 200 civils ont été tués, 96 blessés, et 90 enlevés. Durant cette même période, plus de 85 % des attaques meurtrières visant la population civile ont eu lieu dans la région de Mopti.
D’après l’ONU, le 1er janvier 2019, dans la même région de Mopti, 37 personnes ont été tuées dans le village peul de Koulogon-Peul. Le 23 mars, au moins 150 hommes, femmes et enfants ont été tués lors d’une attaque menée contre le village d’Ogossagou. Trente-cinq personnes, dont 22 enfants de moins de 12 ans ont été tuées le 09 juin au cours d’une attaque contre le village dogon de Sobane-Da. Huit jours plus tard, au moins 38 personnes ont perdu la vie lors d’une offensive menée contre deux villages (Gangafani et Yoro) dans le cercle de Koro, selon les autorités. Le 13 novembre, des soldats maliens ont découvert 20 cadavres dans le village de Peh ; certains de ces corps avaient été jetés dans des puits.
Des groupes armés ont également pris pour cible des chefs traditionnels et religieux, ainsi que des griots. Les médias ont signalé de façon concordante que, le 17 avril, le chef du village de Pissa, dans le cercle de Bankass, avait été tué par des hommes armés non identifiés. Le 22 juin, le chef du village de Hombori, Nouhoum Bah Maiga, a été tué par des hommes armés non identifiés et, le 19 juillet, à Dialloubé, un célèbre griot, Modi Djignandé, plus connu sous le nom de « Niappa », a lui aussi est tué par des inconnus armés, a-t-on relevé.
Exécutions extrajudiciaires
Amnesty International a signalé que les Forces de défense et de sécurité maliennes se sont également rendues coupables de violations des droits humains. L’ONU a rassemblé des informations sur 17 exécutions extrajudiciaires perpétrées par ces forces dans plusieurs régions, notamment à Intahaka (région de Gao) et à Mondoro (région de Mopti). Elles ont également été responsables d’au moins quatre cas de torture et d’autres mauvais traitements.
Lutte contre l’impunité
Le Mouvement a laissé entendre que le 24 juillet, le président Ibrahim Boubacar Keïta a promulgué une loi « d’entente nationale », qui exemptait de poursuites les personnes ayant commis des crimes dans le cadre des évènements liés à la « crise née en 2012 » ou en ayant été complices. Le champ d’application de cette loi excluait cependant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le viol et les crimes imprescriptibles. L’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali a invité les autorités à réviser cette loi « de manière à ne pas empêcher les victimes de violations graves d’exercer leur droit à un recours effectif devant un tribunal ou tout autre mécanisme de justice transitionnelle pour une justice juste et équitable, d’obtenir réparation et de connaître la vérité sur les violations commises dans le passé ».
Le même jour, le président Ibrahim Boubacar Keïta a également promulgué une loi élargissant le champ de compétence du Pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, pour y inclure le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, a-t-il été indiqué.”Malgré le très grand nombre d’atteintes aux droits humains commises depuis 2012, peu de procès ont eu lieu, et les condamnations ont été encore plus rares. Les procédures judiciaires engagées en 2014 et 2015 contre des membres de groupes armés pour des violences sexuelles en étaient toujours au stade de l’enquête. Le procès du général Amadou Haya Sanogo et d’autres personnes, qui avait été suspendu en décembre 2016, n’avait toujours pas repris. L’inculpation du général était en lien avec l’enlèvement et l’exécution extrajudiciaire de 21 soldats”, a-t-il dénoncé.
Le 30 septembre, la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris de torture, de viol, de mariage forcé et d’esclavage sexuel, portées à l’encontre d’Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud (dit « Al Hassan »). Ce membre d’Ansar Eddine, qui aurait été commissaire de facto de la Police islamique à Tombouctou au moment de la commission des crimes présumés, était la deuxième personne poursuivie devant la CPI pour des motifs liés à la situation au Mali, a ajouté le rapport d’Amnesty International.
“Depuis le début du conflit, 1 051 écoles ont dû fermer (chiffre relevé en octobre 2019) en raison de l’insécurité et des menaces qui ont conduit les enseignants à quitter leurs postes ; 315 300 enfants étaient concernés. Les établissements scolaires et le personnel enseignant ont continué d’être visés par des groupes armés. En octobre, des médias locaux ont signalé que, dans la région de Tombouctou, plusieurs écoles avaient été attaquées par des groupes armés. À la fin du mois d’octobre, le gouvernement a annoncé que cinq enseignants avaient été enlevés le 25 octobre à Korientzé (cercle de Mopti) et relâchés quelques jours plus tard” a relevé le rapport.
Boubacar DIARRA
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