Ce serait une lapalissade que dire, de nos jours, les localités du centre du pays sont pratiquement devenues un sanctuaire pour les groupes djihadistes qui y étendent leur hégémonie, presque en toute impunité. A bien disserter sur les tenants et les aboutissants de ce phénomène d’insécurité, on retiendra que, contrairement à ce que véhiculent la plupart des médias et autres analystes de la situation sécuritaire dans le centre, la crise qui sévit dans cette partie du territoire n’est ni politique ni religieuse encore moins identitaire. Il s’agit plutôt d’une insécurité persistante consécutive aux actions de groupes de bandits de grands chemins qui pillent les localités à tour de bras, volent le bétail, terrorisent les populations et tuent tous ceux qui se retrouvent sur leurs chemins.
Il faut dire que ce phénomène est relativement récent dans les contrées du centre du Mali où les populations, toutes communautés confondues, vivaient en parfaite symbiose, même si de temps à autres quelques conflits essentiellement liés à des problèmes de pâturage éclataient par-ci et par-là, mais qu’on parvenait toujours à canaliser et à régler au niveau-même du terroir. D’où vient-il alors que cette cohabitation ait volé en éclats pour faire place à la suspicion, à la stigmatisation ?
Signalons que c’est en 2015 qu’un groupe d’individus se faisant appeler ‘’Front de Libération du Macina’’ (FLM) et se réclamant de l’Islam radical, avait commencé à investir les localités des régions de Ségou et de Mopti. Ce groupe d’envahisseurs, agissant sous les ordres d’un certain Hamadoun Koufa, est parvenu très vite à étendre son hégémonie sur la plupart des localités du centre et ses attaques étaient surtout dirigées contre les symboles de l’Etat, dans le but de contraindre ceux-ci à déguerpir les lieux qui, selon eux, font parties intégrantes du Macina, berceau de leur civilisation et de l’islam au Mali. En ces lieux-là, les forces de défense et de sécurité, peu nombreuses et mal équipées, les autorités politiques et administratives, ne pouvant pas tenir tête aux envahisseurs, ont toutes déguerpi, laissant les populations locales à leur sort. Dès lors les groupes djihadistes avaient toute la latitude de mener leur campagne d’endoctrinement auprès des populations, notamment leurs composantes juvéniles. Les djihadistes du FLM étant en très grande majorité des peuls, c’est donc tout naturellement que les ‘’prosélytes’’ qu’ils ont réussi à endoctriner, soient eux-aussi en majorité, des jeunes des différentes communautés peules de la zone. Si au départ, le FLM s’était fixé pour principaux objectifs, la lutte contre les symboles de l’Etat et l’endoctrinement des populations locales, force est de reconnaitre que le recrutement en masse des jeunes peuls pour grossir ses rangs, n’a pas été sans conséquence, dans la mesure où la doctrine qu’il prétendait défendre a été complètement pervertie par les nouveaux adeptes qui se sont carrément transformés en bandits de grands chemins, sous la couverture des djihadistes du FLM. Ce sont plutôt ces groupes de bandits dérivés du FLM qui sévissent dans le Senno, communément appelé ‘’pays dogon’’.
Là où le bât blesse est que ces bandits de grands chemins bénéficient de complicités dans les localités et les complices en question sont pour la plupart des jeunes de la communauté peules, même si certaines organisations de cette communauté tentent de nier cette réalité qui est pourtant de notoriété publique. C’est face à la récurrence des vols de bétail et autres pillages systématiques dans les localités et dont les auteurs sont des groupes armés essentiellement constitués de jeunes peuls, que les populations meurtries ont décidé de prendre leur destin en main en s’organisant en milices d’autodéfense. C’est ainsi qu’est née dans le cercle de Koro (région de Mopti), la milice dogon ‘’Dan Nan Ambassagou’’ constituée de chasseurs traditionnels, comme il en existe dans d’autres cercles du pays dogon. Dès lors, sur le théâtre des opérations ont retrouve désormais trois protagonistes qui sont : les Forces de Défense et de Sécurité, les milices d’autodéfense et les groupes de bandits qu’on assimile à tort, à des djihadistes.
Si loin du théâtre des opérations, nombreux sont les observateurs et autres organisations de la société civile qui se font le devoir de dénoncer des exactions ou des amalgames dont se rendraient coupables les soldats maliens et les combattants des milices d’autodéfense. En vérité sur le terrain cet amalgame est inévitable compte tenu de la connivence très prononcée entre les groupes de bandits à forte dominance peule et leurs ‘’agents de renseignement’’ qui sont aussi pour la plupart des jeunes de la communauté peule. C’est justement auprès de ces derniers que les associations communautaires peules doivent intervenir par la sensibilisation en descendant régulièrement sur le terrain et c’est uniquement en cela qu’elles pourront pleinement jouer leurs partitions en vue d’une résolution de la crise sécuritaire dans les localités du centre du pays.
Mais il est vraiment regrettable de constater que la plupart de ces associations communautaires peules se plaisent plutôt à se cloîtrer à Bamako et autres centres urbains du pays pour ne s’illustrer que par des tenues de conférences de presse et autres déclarations qui ne contribuent en rien à la résolution de la crise sécuritaire dont pâtissent les populations qu’elles prétendent représenter et défendre. Pas plus tard que le mercredi 1er juillet 2020, l’association ‘’YiriwèrèPulaaku’’, traduisez ‘’Prospérité de la Communauté Peule’’ a animé une conférence de presse à Bamako Hamdallaye ACI-200 pour exhorter les différents protagonistes de la crise à enterrer la hache de guerre dans les contrées du centre du pays. Quel impact cette conférence de presse pourrait-elle avoir sur des populations si lointaines ? Il aurait été plus séant que les dirigeants de ‘’YiriwèrèPulaaku’’ et ceux d’autres associations similaires descendent sur le théâtre des opérations afin d’être en contact direct avec les populations pour des séances de sensibilisation. C’est la meilleure façon de les convaincre à enterrer la hache de guerre.
El Hadj Mamadou GABA
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