Comme on pouvait s’y attendre, la crise sociopolitique que le Mali traverse en ce moment-ci a été l’un des sujets majeurs de discussion au sommet du G5 tenu le 30 juin 2020 Nouakchott, la capitale mauritanienne. Selon certaines confidences, le Chef de l’Etat malien, Ibrahim Boubacar KEITA, qui a pris part au sommet aurait été interpellé par ses pairs afin qu’il prenne les dispositions qui s’imposent pour une issue favorable de la crise malienne.
Pour la circonstance, ce sont les Présidents tchadiens et français, Idriss DEBY Itno et Emmanuel MACRON, qui auraient notamment mené les discussions avec leur homologue malien. A cette occasion, le Président IBK aurait été sévèrement critiqué par ses pairs quant à la façon dont il s’est pris pour la gestion de la crise en question. Ceux-ci lui auraient reproché d’avoir laissé la situation se dégrader. Certaines indiscrétions très proches du sérail révèlent même que le Président français Emmanuel MACRON aurait parfois haussé le ton pour faire des remontrances à l’endroit du N°1 malien. Le président français aurait abordé ouvertement les sujets qui fâchent à Bamako et qui font l’objet de vives préoccupations à l’endroit de l’opinion publique malienne. Il a ainsi été demandé au Président IBK de tenir compte des recommandations de la délégation de la CEDEAO.
Rappelons que cette délégation de l’organisation sous régionale qui a séjourné à Bamako les 18 et 19 juin 2020 avait notamment proposé, pour une résolution de la crise malienne :
- La mise en place d’un gouvernement d’union national ;
- La démission des membres de la Cour Constitutionnelle ;
- La reprise des élections législatives dans les 31 localités où les résultats proclamés par la Cour Constitutionnelle ont fait l’objet de vives contestations.
Le moins que l’on puisse dire est que le Président IBK a semblé prêter une oreille attentives aux interpellations à lui adressées par ses pairs en marge du sommet de G5 à Nouakchott. En effet, aussitôt rentré au bercail, le Président IBK a accordé, sur sa propre demande, une série d’audiences aux différents protagonistes de la crise. C’est ainsi que le samedi, il a reçu successivement les dirigeants de la majorité présidentielle et l’Imam Mahmoud Dicko qui est une figure emblématique du mouvement de contestation. Le dimanche 5 juillet 2020, il devrait aussi recevoir les membres du M5-RFP. Lors de sa rencontre avec la majorité présidentielle, le président de la République s’est dit totalement ouvert au dialogue et a remis sur la table sa proposition de formation d’un gouvernement d’union nationale pour engager des réformes nécessaires à la résolution de la crise. Naturellement cette proposition du Chef de l’Etat a tout simplement agréé à ses interlocuteurs de la majorité présidentielle. Au sortir de cette audience avec le Chef de l’Etat, Tiéman Hubert COULIBALY, un des ténors de la majorité présidentielle a déclaré sur Rfi
« Le Président de la République nous a donné son point de vue. Sachant qu’il a fait une offre de gouvernement d’union nationale en proposant que l’ensemble des sensibilités politiques puissent se retrouver au sein de cet exécutif-là afin de conduire les réformes nécessaires et pouvant éviter à notre pays des épisodes similaires ».
Cependant, les interlocuteurs du Chef de l’Etat ont été très clairs en prévenant qu’aucun sujet ne sera tabou. S’il est vrai qu’avec le temps et au prix de moult négociations, les contestataires du régime IBK ont semblé mettre un bémol à leur exigence de la démission du Président de la République, il n’en demeure pas moins vrai aussi qu’ils restent intransigeants sur certaines préoccupations. Au nombre desdites préoccupations, on retiendra la dissolution de l’Assemblée Nationale et la démission de tous les membres de la Cour Constitutionnelle. C’est surtout sur ce dernier point que le président de la République pourrait rencontrer le plus d’écueils dans la mesure où il ne dispose d’aucun pouvoir constitutionnel pour démettre les membres de cette cour encore moins dissoudre l’institution judiciaire en question. Or il est de notoriété publique que le président de la Cour Constitutionnelle, en la personne de Manassa DANIOKO, persiste à ne pas vouloir rendre, de gré, sa démission.
Que fera alors le Président de la République qui se trouve partagé entre la pression de ses pairs et le refus de démission du Président de la cour constitutionnelle ?
En ce qui concerne l’Assemblée Nationale, la solution pourrait être plus aisée en s’appuyant sur des dispositions légales pour annuler purement et simplement les votes dans les circonscriptions où les résultats proclamés par la Cour Constitutionnelle sont en butte à de vives contestations. Ce qui pourrait encore tarauder les esprits, c’est le fait de savoir, même au cas où le président IBK s’accommodait des propositions faites la délégation de la CEDEAO et qui lui ont été réitérées par ses pairs en marge du sommet de Nouakchott, les contestataires du M5-RFP se satisferont-ils de cela ? Il y a lieu d’y douter fort dans la mesure où ils ont fait savoir que la condition sine qua non de leur abandon de l’exigence de la démission du Président de la République est l’acceptation totale et entière, par ce dernier, des mesures disposées dans le mémorandum qu’ils ont proposé pour une sortie de crise.
Mais attendons pour voir à quoi aboutira la rencontre, annoncée pour ce dimanche, entre le Président IBK et les dirigeants du M5-RFP.
El Hadj Mamadou GABA
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