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RIEN QU’UNE EPEE DE DAMOCLES
Ce serait une lapalissade que dire, au-delà de la crise sanitaire qu’elle a engendrée avec son cortège de très fortes pertes en vies humaines, la pandémie du COVID-19 a eu aussi un impact négatif généralisé sur les économies des pays à l’échelle mondiale et particulièrement dans les pays moins nantis et désignés sous le vocable de ‘’pays pauvres’’.
Face à cette réalité, nombreuses sont les voix qui se sont levées pour aborder la question relative à la dette des pays pauvres face à l’impact négatif du COVID-19 sur l’économie mondiale. La ‘’Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement’’ (CNUCED) a été l’une des premières Institutions de l’ONU à réclamer l’annulation de la dette des pays africains. Sa Sainteté le Pape François lui a emboîté les pas à l’occasion de la fête de Pâques, le dimanche 12 avril 2020. Le Souverain Pontife a appelé à ‘’réduire’’ la dette des pays pauvres, à défaut de pouvoir ou plutôt de vouloir l’annuler carrément.
Abondant dans le même sens, l’ONG ‘’OXFAM’’ en aussi invité à annuler la dette des pays pauvres par les créanciers internationaux. Le Président français Emmanuel Macron, pour sa part, a demandé à annuler massivement les dettes des pays africains. « Nous devons savoir aider nos voisins africains à lutter contre le virus plus efficacement, les aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leur dette » avait déclaré le Président français à la suite des déclarations du Pape François et de l’organisation OXFAM. Quant aux institutions de Brettonwoods, le FMI et la Banque Mondiale, elles aussi avaient demandé, depuis mars dernier, l’annulation ou le rééchelonnement de la dette des pays pauvres. Du côté des pays africains, on se souvient que le Président sénégalais Macky SALL a été le premier Chef d’Etat à interpeller les bailleurs de fonds sur la situation de la dette africaine dans le cadre de la riposte aux méfaits de la pandémie du COVID-19 sur les économies des pays du continent.
Nul n’est dupe que pour toutes ces personnalités et organisations internationales qui se sont exprimées jusque-là, le vœu le plus ardent est d’accéder à l’annulation pure et simple de la dette des pays pauvres dits ’’vulnérables’’. Mais ce vœu ardent pourrait bien n’être qu’un vœu pieux dans la mesure où le Groupe des vingt (20) pays les plus fortunés au monde, à savoir le G20 dont la locomotive est le G7, opte plutôt pour un moratoire,en lieu et place d’une annulation pure et simple. En effet le G20 a annoncé qu’il optait plutôt pour un moratoire sur la dette de 40 pays africains afin de leur permettre de faire face à la crise du COVID-19. Ce serait peu de dire que cette décision du G20 est loin d’agréer l’assentiment non seulement des pays africains concernés mais aussi de leurs partenaires qui ont plaidé pour une annulation totale ou partielle de la dette.
A à bien y regarder, on se rendrait aisément compte que le moratoire sur la dette n’est rien d’autre qu’une épée de Damoclès pour les pays concernés.
S’il est vrai que le moratoire pourrait permettre aux pays africains d’avoir en leur possession un minimum de fonds pour essayer, de venir en aide à leurs secteurs hospitaliers respectifs puisqu’il y a urgence, il n’en demeure pas moins vrai aussi que ladite dette devra être payée, quoi qu’il advienne, à la fin du moratoire. Autrement dit la dette qui devrait être payée en 2020 le sera en 2021 et avec les intérêts y afférents. Pour raison de moratoire, les débiteurs devraient alors rembourser en 2021 non seulement ce qu’ils doivent au titre de 2020 avec les intérêts, mais aussi payer les redevances au titre de 2021. C’est dire qu’en raison du moratoire au titre de 2020, l’ardoise de la dette à éponger en 2021 pourrait être extrêmement salée pour les pays africains. Si l’amabilité voudrait que le G20 soit salué pour l’effort que ses pays membres ont consenti en s’accommodant d‘un moratoire sur la dette des pays pauvres pour l’exercice 2020, cependant, force est de reconnaitre que ledit moratoire ne sera pas sans conséquence pour les bénéficiaires. C’est fort justement de cette réalité que le Président sénégalais Macky SALL a appelé les chefs d’Etat du G20 à des reformes en prévision d’un après-COVID.
En raison du moratoire au titre de 2020, l’ardoise de la dette à éponger en 2021 pourrait être extrêmement salée pour les pays africains
« Nous avons considéré qu’une mesure globale serait nécessaire car, une pandémie comme le COVID-19 appelle des réponses globales. Nous sommes dans un monde où la solidarité doit jouer. L’Afrique a besoin de cette solidarité en ce moment. Je pense que ceux qui ont déjà réagi positivement, comme le Président Macron que je félicite de passage, aussi comme sa Sainteté le Pape François, nous ont vraiment réconfortés par leurs propositions. Même les institutions multilatérales comme le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale, cette fois-ci, ont été à la pointe du combat. Le rééchelonnement de la dette est une chose. Oui ! Nous nous en réjouissons d’ailleurs. Mais il faut aller au-delà. Il faut être courageux et j’appelle mes collègues chefs d’Etat du G20 à aller vers de véritables réformes parce que je suis convaincu qu’après le COVID-19, il faudrait un nouvel ordre mondial. Un nouvel ordre qui devra renforcer la résilience de tous les pays et de tous les Etats. Parce que si demain cette maladie reste quelque part dans un village quelconque du Sénégal ou d’ailleurs, c’est toute la communauté mondiale qui est menacée » a dit le Président sénégalais.
Quoi qu’il en soit, annulation totale ou moratoire sur la dette, nos chefs d’Etat africains doivent faire preuve d’un engagement sans faille pour non seulement gérer efficacement la crise sanitaire mais aussi et surtout prendre des mesures idoines afin d’assurer une saine gestion de l’après-crise. Et cela nécessiterait forcément un usage judicieux des fonds qui resteront en leur possession, suite au moratoire sur leur dette.
El Hadj Mamadou GABA
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