Six mois après le sommet de Pau en France, le Président français Emmanuel Macron a rencontré, le mardi 30 juin 2020 à Nouakchott la capitale mauritanienne, ses homologues du G5-Sahel. Ont également participé à ce sommet, Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’Union africaine (UA), Louise Mushikiwabo, la Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez.
Les discussions ont été élargies en visioconférence aussi aux dirigeants italien et allemand. Il faut dire que le point focal de ce sommet a surtout consisté à faire un point d’étape sur l’opération Barkhane notamment dans la zone dite des ‘’Trois Frontières’’ à cheval entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. On se souvient qu’au sortir du sommet de Pau en janvier dernier, il avait été décidé de concentrer l’essentiel des efforts de la force française Barkhane sur le périmètre du Liptako Gourma autrement appelé la zone des ‘’Trois Frontières’’.
A cet effet, il avait été envisagé la mise en place d’un nouveau cadre politique, stratégique et opérationnel baptisé ‘’Coalition Pour le Sahel’’ et qui était censé rassembler les pays du G5-Sahel, la France et les autres pays partenaires.
Cette alliance militaire et politique est destinée à œuvrer essentiellement pour un recentrage des opérations militaires sur la zone du Liptako-Gourma avec désormais pour cibles prioritaires, le terrorisme et ses multiples connexions : le crime organisé et le trafic de drogue. Il faut dire qu’à la différence des précédentes coalitions ou alliances envisagées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans l’espace sahélo-saharien, celle qui était annoncée à l’issue du Sommet de Pau, à savoir la ‘’Coalition Pour le Sahel’’, était censée mériter d’être une véritable innovation ; c’est un commandement conjoint, Barkhane et FC-G5 qui était appelé à en diriger les opérations. Encore mieux, des forces européennes de l’opération ‘’Takuba’’ devraient être intégrées à Barkhane qui, en plus de ses 4.500 soldats, devrait être renforcée de 220 supplémentaires.
Il est donc tout à fait logique, six mois après le sommet de Pau, que l’on fasse un bilan d’étape. En tout cas, du point de vue de la France, cette période d’exercice militaire dans le Liptako a été, on ne plus, propice pour l’opération Barkhane. Si cette affirmation de la France trouve son justificatif dans les résultats engrangés par Barkhane sur le terrain, il y a cependant lieu de déplorer le fait que jusque-là, le défi de la mobilisation de la communauté internationale peine à être relevé. En effet, sur le volet militaire de la ‘’Coalition Pour le Sahel’’, l’opération européenne ‘’Takuba’’ manque encore de partenaire. Sur le volet ‘’Développement’’, cette coalition lancée à Pau devrait faire mieux pour soutenir des projets plus ciblés, plus visibles et plus efficaces. Sur le plan politique non plus, les choses ne semblent pas mieux loties. Au Mali, avec la terrible crise sociopolitique, la mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger est pratiquement à l’arrêt. Quant au Burkina Faso, le pays entre dans un cycle électoral qui laisse craindre un flottement inquiétant. Ces derniers temps-ci, les armées nationales des pays du G5-Sahel ont régulièrement été accusées de violations du droit international humanitaire du fait des exactions récurrentes contre les populations civiles.
D’aucuns parmi les défenseurs des droits de l’homme sont allés jusqu’à accuser la France de complicité tacite face à ces violations du droit international humanitaire, par les armées nationales des pays du G5-Sahel.
Eh bien, le Président français a profité du sommet de Nouakchott pour signifier à ses interlocuteurs que son pays ne s’encombrera désormais d’aucune ‘’timidité’’ pour dénoncer des actes de violation des droits humains. Comme pour mettre d’éventuels garde-fous aux pratiques extrajudiciaires dont on accuse les armées nationales du G5-Sahel, la France se dit favorable à donner la priorité aux opérations conjointes, Barkhane-Armées Nationales, afin d’éviter les actions autonomes de la part de ces dernières. Mieux, Paris en appelle à une implication européenne croissante dans la formation et le déploiement de magistrats pour permettre des suites pénales, en cas de présumées violations du droit humanitaire. On pourrait peut-être espérer que les dirigeants des pays du Sahel se sentiraient fortement interpelés par les annonces faites par le Président français à propos de la violation des droits humains dans leurs pays respectifs. Signalons que c’est surtout au sortir du sommet entre le G5-Sahel et la France, tenu à Pau en janvier dernier, que les armées nationales des pays du Sahel ont commencé à subir une pression politique de la part de leurs dirigeants. De ce fait, les armées en question ont été mues par une propension à vouloir, coûte que coûte, prouver des résultats dans leur mission de lutte contre le terrorisme. Toute chose qui les a entrainé vers un relâchement de leur méthode opératoire, notamment en ce qui concerne le respect du droit humain et du droit international humanitaire, avec pour corollaire des exactions contre les civils.
El Hadj Mamadou GABA
Avec Rfi
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