Disons-le tout net et sans faux-fuyant, s’il y a une tare qui caractérise nos partis politiques et qui décrédibilise leurs acteurs, c’est bien la grande gymnastique dans laquelle excellent nos dirigeants politiques, à l’occasion de chaque consultation populaire, et qui consiste à nouer des alliances, au demeurant incongrues, entre des partis dont les orientations politiques et idéologiques devraient être à l’antipode les unes des autres. S’il est vrai qu’une telle pratique a été constatée, il y a belle lurette, avec une indifférence généralisée, il n’en demeure pas moins aussi que ce sont surtout les élections législatives de 2020, dont on attend encore les résultats définitifs, qui ont le plus prêté le flanc à ces alliances contre nature.
Nous savons qu’au sein du microcosme politique malien, ce sont essentiellement trois formations politiques, le RPM, l’ADEMA et l’URD, qui mènent la danse et autour desquelles gravitent les autres partis de moindre aura. Les deux premières (RPM et ADEMA) sont de même obédience pour raison de leur appartenance à l’International Socialiste alors que le troisième (URD) est un parti qui se réclame du libéralisme.
Dans le landerneau politique national aussi, ces trois familles politiques ne sont pas en odeur de sainteté l’une auprès des deux autres dans la mesure où l’URD qui se réclame du libéralisme, milite dans l’opposition politique où elle joue d’ailleurs le rôle de locomotive, tandis que le RPM et l’ADEMA sont de la majorité présidentielle. C’est dire qu’en fait d’orientation politique et idéologique, l’ADEMA et le RPM sont diamétralement opposés à l’URD. Mais le plus aberrant dans notre arène politique, est que les partis qui l’animent, toutes obédiences confondues, deviennent tantôt de farouches adversaires et tantôt des alliés indissociables, selon les enjeux du moment.
C’est ainsi qu’à l’occasion des législatives de 2020, il a été constaté que dans de nombreuses circonscriptions électorales, là où les trois partis ‘’phares’’ du microcosme politique malien n’ont pas noué des alliances, ils sont tout simplement allés en adversaires jurés. Ainsi, à Kayes, Kati, Mopti, c’était le trio parfait alors qu’en Commune V du district de Bamako, l’ADEMA est plutôt partie en alliance avec l’URD pour une joute électorale contre le RPM avec lequel, pourtant, elle partage la majorité présidentielle.
En commune VI, l’URD a choisi d’autres colistiers pour ramer à contrecourant de la coalition RPM-ADEMA-PS. En commune III, aucun de deux autres partis, à savoir le RPM et l’ADEMA, n’a apporté son soutien au candidat de l’URD en ballotage contre une indépendante. A Kolondiéba où le second tour s’est joué entre l’alliance RPM-URD contre le SADI (en liste propre), l’ADEMA a fait faux bond au RPM en apportant son soutien au parti SADI. A Bougouni, l’ADEMA s’est coalisée avec la CODEM, la CDS et l’ADP contre l’alliance RPM-URD-MPM. A Sikasso, la coalition menée par le RPM, l’URD et la CODEM a affronté dans les urnes, celle menée par l’ADEMA.
Outre ces quelques exemples, maintes circonscriptions électorales existent où ce genre d’alliance a été constaté. Face à cette pratique qui a pignon sur rue dans le landerneau politique malien, beaucoup de politologues s’accordent à dire que les alliances dans le jeu politique malien ne sont faites que dans le but express de pouvoir remporter des sièges à l’Assemblée Nationale. Et d’ailleurs le peuple a fini par comprendre ce jeu de dupe de la classe politique malienne et c’est de bonne guerre alors s’il n’accorde pas de crédit à nos hommes politiques.
On serait porté à dire que, dans notre arène politique, ce sont plutôt les intérêts égoïstes qui sont défendus au détriment de toute idéologie nationaliste, républicaine ou démocratique. Dans un tel microcosme, il n’est pas étonnant d’assister à des mutations, souvent les plus incongrues les unes que les autres.
Dans notre pays, les formations politiques foisonnent (selon des chiffres fournis par le MATD, le Mali comptait 207 partis politiques à la date du 31 août 2019), non pas pour prouver aux yeux du monde le caractère multipartite de la démocratie malienne, mais plutôt pour pouvoir d’abord s’attribuer une part, si petite soit-elle, de la subvention allouée par l’Etat aux partis politiques, ensuite pour chercher à se faire de la place auprès de l’appareil d’Etat.
En vérité, les alliances politiques qui se sont nouées à l’occasion des législatives de 2020 n’ont pas manqué de provoquer des rires sous cape chez les électeurs, tant ça sentait l’opportunisme et le manque de vision. En tout cas, il siérait que les phénomènes ‘’d’alliances contre nature’’ et aussi de ‘’transhumance politique’’ dans notre pays, soient soumis à certaines règlementations sous le sceau de l’Etat et qui puissent servir de garde-fous dans le jeu politique malien. Cela aura l’avantage, non seulement de rendre un peu plus crédible la classe politique aux yeux des populations, mais aussi de permettre, un tant soit peu, aux partis de faible audience ou à moyens financiers réduits, de garder leurs militants et de prospérer au fil du temps.
Evidemment que cela passe aussi par la formation civique des militants et c’est d’ailleurs cela qui doit être l’activité régalienne de tout parti politique digne de ce nom. Mais cherchez, dans le microcosme politique malien, un seul parti qui organise des activités de formation civique des militants. Vous n’en trouverez pas et c’est cela aussi qui prouve que nos formations politiques ont toutes autres visées que la ‘’Realpolitik’’ dans le sens du bonheur du peuple et de la nation toute entière.
El Hadj Mamadou GABA
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